"Chaque fois qu'un enfant dit : je ne crois pas au fées, il y a quelque part une petite fée qui meurt", sir James Matthew Barrie.
Publié par Thomas K.
Arrietty est une jeune fille de quatorze ans d'une dizaine de centimètres. Elle vit avec son père et sa mère, cachée dans une maison faite de briques. Ce sont des chapardeurs, pour survivre, ils doivent s'aventurer dans l'immensité du monde des humains pour voler ce dont ils ont besoin, et seulement ce dont ils ont besoin.
La nouvelle production des studios Ghibli (dont Myazaki co-signe le scénario) reprend l'histoire du roman de Mary Norton The Borrowers, qui avait déjà été adapté en dessin animé par les américains à la fin des années 1990. L'histoire semble avoir été ressassée, charriée des dizaines de fois dans l'histoire du Cinéma : des êtres miniatures pour qui les éléments de notre quotidien comme les insectes, les meubles, la pluie, deviennent de terribles dangers et obstacles, cela rappelle Chérie j'ai rétréci les gosses, Alice au pays des merveilles, Les Sorcières de Nicolas Roeg, et tous ces films et dessins animés où le personnage est changé en petit animal et doit redécouvrir le monde sous un point de vu rétréci.
Bref, pourquoi aller voir un énième film où les chats deviennent des monstres et les commodes des montagnes à gravir ? Parce que quand le studio Ghibli s'empare de l'affaire, on est plongé dans un monde enchanteur. Dans Arrietty, tout est histoire d'immersion et de poésie. Jamais le quotidien d'un être miniature n'aura paru si...quotidien. En effet, le récit comporte très peu d'éléments narratifs forts. On est loin des rebondissements de Mononoké ou Chihiro. Ici, on se rapproche peut-être plus de Totoro, dans le fait que tout est affaire de découverte, d'accompagnement des personnages, d'émerveillement.
Au service de cette immersion, évidemment, le graphisme. C'est beau, plein de couleurs, la magie opère comme à chaque fois avec Ghibli. On en prend plein les mirettes, et on ne s'en lasse pas. Le film passe même trop vite ! L'animation est fluide, inventive. Il faut voir le vent qui emporte Arrietty, la nonchalance du chat, les grosses grosses gouttes de la pluie, la mouvance écoeurante et fascinante des insectes...
Le film comporte tout un tas de petites drôleries, une armada de petits détails, comme l'utilisation du scotch pour faire des ventouses, les crises d'angoisse de la mère, les photos qui constituent des faux paysage dans la petite maison de briques, les escaliers faits de clous...on a même le droit à un moment très drôle lorsqu'un corbeau vient se coincer la tête dans la fenêtre. Le film fait beaucoup sourire, parce que tout est si mignon dans ce petit univers.
Mais la rencontre avec Sho, un enfant malade venu se reposer dans la maison de sa grand-mère, celle où vivent cachés les Chapardeurs, vient contre-balancer un peu cette légèreté. Une amitié impossible naît entre lui et la petite Arrietty. Une amitié ou un amour ? Cela reste assez ambigüe, subtil, plein de non-dits. Sho fera tout pour se rapprocher des petits êtres, et les aider, mais de ses bonnes intentions naîtront des évènements qui mettront la famille en péril.
Mais malgré ce péril, le film ne s'affole jamais. Il préfère se concentrer sur la coopération entre Arrietty et Sho de manière presque passive, contemplative. Une grande émotion s'en trouve véhiculée. Le film cultive d'ailleurs les moments de stase, de latence ; le personnage de Sho, malade du coeur, est un corps de la mobilité réduite. On le retrouve souvent allongé dans l'herbe, ou couché dans son lit. Il ne peut pas aller trop loin à pied, il est limité, tout comme le personnage d'Arrietty qui doit prendre soin de ne pas se faire voir, et qui doit éviter les excursions dangereuses. C'est dans le cadre de l'analogie de leurs limites que ces deux êtres fragiles s'identifieront l'un à l'autre.
Contre ces moments de stases qui tendent à rapprocher les protagonistes, le film fait ressortir le grand mouvement souterrain du monde. A travers Arrietty, corps de l'énergie à dépenser, celle de la fougue de la jeunesse, corps vecteur qui se fait le relais de ce mouvement, nous découvrons les balancements de la nature, des êtres qui l'habitent, les mouvements des feuilles sous le vent, des insectes sous la pluie, de tout ce qui se meut avec une force et une vitalité invisibles pour les humains.
Les adieux, dans leur simplicité et leur formalité, sont déchirants. C'est ça, Arrietty, l'impression d'une poésie prégnante et enchanteresse qui part d'une simplicité assumée. Un pas grand-chose, des petits détails, qui portent une rencontre d'une impossibilité bouleversante. Comme avec chihiro ou Mononoké, on sort du film un peu mélancolique. Il est tellement facile de s'attacher à des personnages animés, lorsqu'ils sont si bien animés.
Arrietty nous fait découvrir son petit univers, mais doit redécouvrir le monde, ses merveilles, finissant ainsi sur un même statut de spectateur que nous, tout comme Sho qui découvrait l'existence des Chapardeurs. S'émerveiller du monde qui nous entoure, c'est encore le meilleur moyen de combattre la fatalité du destin.
Avec son charme, son innocence, sa fausse naïveté teintée d'une profonde mélancolie, Arrietty : le petit monde des Chapardeurs saura émouvoir et amuser ceux qui ont la chance d'avoir gardé leur âme d'enfant.
++
Thomas K.
Bref, pourquoi aller voir un énième film où les chats deviennent des monstres et les commodes des montagnes à gravir ? Parce que quand le studio Ghibli s'empare de l'affaire, on est plongé dans un monde enchanteur. Dans Arrietty, tout est histoire d'immersion et de poésie. Jamais le quotidien d'un être miniature n'aura paru si...quotidien. En effet, le récit comporte très peu d'éléments narratifs forts. On est loin des rebondissements de Mononoké ou Chihiro. Ici, on se rapproche peut-être plus de Totoro, dans le fait que tout est affaire de découverte, d'accompagnement des personnages, d'émerveillement.
Au service de cette immersion, évidemment, le graphisme. C'est beau, plein de couleurs, la magie opère comme à chaque fois avec Ghibli. On en prend plein les mirettes, et on ne s'en lasse pas. Le film passe même trop vite ! L'animation est fluide, inventive. Il faut voir le vent qui emporte Arrietty, la nonchalance du chat, les grosses grosses gouttes de la pluie, la mouvance écoeurante et fascinante des insectes...
Le film comporte tout un tas de petites drôleries, une armada de petits détails, comme l'utilisation du scotch pour faire des ventouses, les crises d'angoisse de la mère, les photos qui constituent des faux paysage dans la petite maison de briques, les escaliers faits de clous...on a même le droit à un moment très drôle lorsqu'un corbeau vient se coincer la tête dans la fenêtre. Le film fait beaucoup sourire, parce que tout est si mignon dans ce petit univers.
Mais la rencontre avec Sho, un enfant malade venu se reposer dans la maison de sa grand-mère, celle où vivent cachés les Chapardeurs, vient contre-balancer un peu cette légèreté. Une amitié impossible naît entre lui et la petite Arrietty. Une amitié ou un amour ? Cela reste assez ambigüe, subtil, plein de non-dits. Sho fera tout pour se rapprocher des petits êtres, et les aider, mais de ses bonnes intentions naîtront des évènements qui mettront la famille en péril.
Mais malgré ce péril, le film ne s'affole jamais. Il préfère se concentrer sur la coopération entre Arrietty et Sho de manière presque passive, contemplative. Une grande émotion s'en trouve véhiculée. Le film cultive d'ailleurs les moments de stase, de latence ; le personnage de Sho, malade du coeur, est un corps de la mobilité réduite. On le retrouve souvent allongé dans l'herbe, ou couché dans son lit. Il ne peut pas aller trop loin à pied, il est limité, tout comme le personnage d'Arrietty qui doit prendre soin de ne pas se faire voir, et qui doit éviter les excursions dangereuses. C'est dans le cadre de l'analogie de leurs limites que ces deux êtres fragiles s'identifieront l'un à l'autre.
Contre ces moments de stases qui tendent à rapprocher les protagonistes, le film fait ressortir le grand mouvement souterrain du monde. A travers Arrietty, corps de l'énergie à dépenser, celle de la fougue de la jeunesse, corps vecteur qui se fait le relais de ce mouvement, nous découvrons les balancements de la nature, des êtres qui l'habitent, les mouvements des feuilles sous le vent, des insectes sous la pluie, de tout ce qui se meut avec une force et une vitalité invisibles pour les humains.
Les adieux, dans leur simplicité et leur formalité, sont déchirants. C'est ça, Arrietty, l'impression d'une poésie prégnante et enchanteresse qui part d'une simplicité assumée. Un pas grand-chose, des petits détails, qui portent une rencontre d'une impossibilité bouleversante. Comme avec chihiro ou Mononoké, on sort du film un peu mélancolique. Il est tellement facile de s'attacher à des personnages animés, lorsqu'ils sont si bien animés.
Arrietty nous fait découvrir son petit univers, mais doit redécouvrir le monde, ses merveilles, finissant ainsi sur un même statut de spectateur que nous, tout comme Sho qui découvrait l'existence des Chapardeurs. S'émerveiller du monde qui nous entoure, c'est encore le meilleur moyen de combattre la fatalité du destin.
Avec son charme, son innocence, sa fausse naïveté teintée d'une profonde mélancolie, Arrietty : le petit monde des Chapardeurs saura émouvoir et amuser ceux qui ont la chance d'avoir gardé leur âme d'enfant.
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Thomas K.
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