Professor Charles Xavier: [to Eric] A new species is being born. Help me guide it, shape it... lead it.
Plongé dès les premières minutes dans le camp de concentration d'Auschwitz, nous vivons avec le jeune Éric son traumatisme : le meurtre de sa mère. La colère devient essence de son pouvoir, et c'est donc guidé par la rage et la tristesse que cette écorché vif se dirige logiquement vers la vengeance.
Vaughn fait mourir la mère en arrière plan, dans le dos du garçon. Une séquence puissante, une énergie habilement contenue puis finalement libérée, X-Men First Class affirme d'emblée que la franchise doit enfin jouée à son vrai niveau.
Après l'impressionnant cocktail d'inventivité, de désinvolture et de subversion que fut Kick Ass, Matthew Vauhn s'attaque à la grande forme du blockbuster de super-héros premier degré, qu'il prend par les cornes avec une maetra qui rassure. Un grand metteur en scène s'affirme, et c'est le spectaculaire qui retrouve de sa vigueur après le très solide Thor.
Le thème de la mutation est enfin exploré dans sa pleine mesure afin de mettre en avant les dialectiques fondatrices qui font la richesse de X-men. La raison face au l'animalité, l'homme face à l'étranger qui n'est est pas un. C'est l'ignorance, l'acceptation de l'autre, le désir d'intégration et la recherche d'identité qui redeviennent enfin les moteurs narratifs de ce nouvelle opus. Le scénario se déploie avec délicatesse, patience, telle une stratégie guerrière savamment orchestrée vers un final attendue, la naissance de Magnéto, ou plutôt le devenir Magnéto car si naissance il y a, elle a déjà eu lieu dans ma première scène du film.
Vaughn ne se contente pas de faire progresser sa narration comme une vulgaire faiseur, l'entrecoupant ça et là de séquence pyrotechniques insipides. Chaque séquence du film est une occasion de faire naître des idées visuelles. Tandis que le cerveau assimile les données narratives, l'œil est séduit par les tentatives formelles du cinéaste qui ose, là où beaucoup se contente de suivre la feuille de route (Maudit sois-tu Rob Marshall pour cette affreux Pirates des Caraïbes 4).
Le jeu d'acteur est donc logiquement le premier bénéficiaire de cette attention généreuse porté à la construction des personnages. Moins de réactions codifiées, plus de liberté de jeu et on arrive rapidement à cette belle séquence au milieu du film où Charles Xavier teste les capacités d'Éric en le défiant de faire pivoter l'énorme radar parabolique situé à quelques centaines de mètres d'eux et surplombant la forêt. Le pouvoir télépathique de professeur X, plein d'assurance et de sérénité, équilibre la si puissante colère de Magnéto. Le souvenir de la mère ressurgit, mais transformé cette fois en une énergie positive que Vaughn, par un effet de surimpression, transforme en une image mentale partagé par les deux hommes. La séquence, pourtant si spectaculaire, est ramené à l'échelle intime. Une larme coule sur les joues des deux héros. L'alchimie est totale.
Le style plastique très audacieux de Vaughn, qui le poussait dans Kick Ass à penser des transitions fondues délirantes tout en mêlant les grands poncifs formelles de la culture populaire est ici non pas invisible mais subtilement dissimulé. Le réalisateur se permet tout de même une séquence montage en splitcreen (écran partagé) adéquate avec la période ou se déroule les évènements du film (la forme splitscreen se développe essentiellement à partir des années 1960), ainsi que quelques métaphores visuelles toujours étonnantes lors des transitions entre les séquences.
Mais gardons le meilleur pour la fin. Car en effet, le final de X-Men First Class est dantesque. Et là il faut bien avouer que Vaughn surprend. En revoyant Kick Ass et ses séquences d'actions nerveuses, sur-découpées tout en étant très habilement raccordées, on attendait du cinéaste un style plus contemporain, dans la continuité de son premier film et de ce que l'on peut voir depuis quelques années dans les salles. Et bien non. La séquence finale choisit l'économie de plans et la sidération pour éblouir le spectateur. Alors que les mutants prennent part à la crise des missiles de Cuba et tentent de stopper le conflit amorcé par Shaw (Kevin Bacon), la guerre nucléaire semble inéluctable. La séquence, elle, est aérienne. Les X-Men repèrent le sous marin de Shaw, et Magnéto, accroché à la roue atterrissage du jet, le soulève grâce à sa force mentale. Le sous marin émerge des eaux avant le léviter dans le ciel. A la manière de Spielberg ou Cameron, Vaughn nous offre une scène de pure contemplation, dans un rigoureux respect de ce que j'aime appeler : le sublime cinématographique. L'humain, au premier plan, est confronté au spectaculaire en arrière plan. Le spectaculaire c'est d'abord cette immense sous-marin, puis cette pluie de missiles téléguidés, dont les traînées de fumée strient le ciel bleu cubain. Maîtrise de l'espace, suspension du rythme de l'action puis reprise avec une course poursuite aérienne entre X-mens qui renverse les têtes. Le cadre respire, le spectateur est saisie. Vaughn fait de la crise historique des missiles de 62 une séquence fictionelle impressionnante, à titre personnel ma scène préféré depuis le début de l'année 2011, un point c'est tout.
Avec X-men first class et après Avatar et Thor, le blockbuster reprend peu à peu la forme qu'il devrait toujours avoir, entre équilibre du style classique ample et opératique, et du style moderne qui accélère la narration et creuse l'image grâce à une caméra cinétique (en mouvement). Le spectaculaire est une affaire sérieuse à ne pas laisser entre toutes les mains, celles des faiseurs et pire encore des financiers. Plus que jamais il faut des réalisateurs voyants (pour citer mon professeur Pierre Berthomieu) capable de magnifier les archétypes, de sentir l'espace grâce à un vrai regard de cinéaste. En cela le film de Matthew Vaughn était inespéré.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire