mardi 12 octobre 2010

Adventureland


"Sue O'Malley
: What are you majoring in?
Joel: Russian literature and Slavic languages.
Sue O'Malley: Oh wow, that's pretty interesting. What career track is that?
Joel: Cabby, hot dog vendor, marijuana delivery guy. The world is my oyster."


James Brennan restera vierge ce soir. Encore une qui le large sans pitié, mais peu importe, car James vient de décrocher son diplôme avec succès et l'été qui arrive s'annonce libérateur. Au programme, un voyage de deux mois sur le vieux continent, le rêve de tout étudiant américain.
A la rentrée l'université de Columbia à New York n'attend que lui.
Les choses se compliquent quand ses parents lui annoncent qu'ils sont fauchés et qu'au lieu de partir il devra travailler pendant tout l'été pour payer ses études. A Pittsburgh, le seul boulot qui l'attend est un job de poltron dans le parc d'attraction le plus miteux de la région.
L'été s'annonce radieux!

il est peu probable que vous ayez déjà entendu parler d'Adventureland pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas sortie dans les salles françaises. En temps normal, on pourrait en conclure que le film était peu être trop mauvais pour qu'aucun distributeur n'ai voulu le diffuser.
Mais quand on voit qu'aujourd'hui, le dernier film de Joe Dante (Le père des Gremlins) est toujours en quête d'un distributeur courageux en France, on se dit que la qualité d'un film ne semble plus être un argument suffisant pour cette industrie frileuse, à la recherche de succès faciles basés sur des recettes pré-mâchées ( Bon je suis sévère mais tout de même!).

Pourtant, Adventureland est un Ovni dans la catégorie "Teenage movie léger" qui ne manque pas de qualités.
Le film se démarque assez nettement des comédies estampillées Judd Apatow, reconnaissables par leurs dialogues bavards, rythmés mais surtout potaches, pour ne pas dire vulgaires. Adventureland ne vous fera pas hurler de rire toutes les dix secondes, mais le film use d'un humour discret et tenu, relevant le plus souvent du comique de situation et d'un burlesque cocasse. Là ou "l'homo Apatow" (entendre par là le héros masculin typique des comédies Apatow) voit la femme comme un être incompréhensible mais qu'il faut à tout prix mettre dans son lit pour être cool, le personnage de "James" écrit par Greg Mottola n'est pas un "loser", juste un type qui n'a pas eu trop de chance avec les filles jusque là!

Le trait est donc moins caricatural et tente au contraire de dessiner des personnages avec finesse et élégance. Ce qui surprend encore plus et qui propulse le film vers d'autres horizons, c'est la mise en scène de Greg Mottola. Le réalisateur nous avait proposer un style assez neutre et transparent dans Superbad (2007). On se doute que l'ombre d'Apatow (producteur de Super bad) devait flotter au dessus de lui pendant le tournage et que la consigne devait se résumer à sublimer les dialogues écrit par le maître et son disciple Seth Rogen.

Ici, Mottola s'exprime pleinement et use d'une esthétique remarquable à tout points de vues, mêlant lumières brumeuses, effets de clairs/obscurs, traitement des couleurs original qui font de ce parc d'attraction sordide, une sorte de Microcosme envoutant, magique, théâtre de la naissance d'un amour inattendu.
Le film surprend totalement quand le réalisateur s'attarde à filmer le visage de son personnage scrutant religieusement le profil de la jeune Emily. La longueur de ces plans de regards "hors champs" coupés seulement par des contres champs révélant le visage délicat mais imparfait de "Em" nous donne à voir rien de moins que la naissance d'un amour à la fois fort et fragile.
Greg Mottola, scénariste et réalisateur du film s'exprime ici pleinement et laisse entrevoir la possibilité d'un style personnel, délivré de l'influence d'Apatow.

Les acteurs finissent de nous convaincre. ils sont tous absolument parfaits du binoclard qui lit de la littérature russe et fume la pipe à la bimbo glamoureuse qui se déhanche comme Madonna mais ne couche pas!
La comédie américaine contemporaine à vu naitre (thanks to Apatow, c'est homme est partout!) de jeunes acteurs talentueux destinés à régner sur Hollywood à l'image de Jonah Hill et Michael Cera. A présent c'est au tour de Jesse Eisenberg (James Brennan) de briller. Après l'excellent Zombieland (2009), il tient cette semaine le rôle titre du dernier David Fincher (s'il vous plait!) : The Social Network où il incarne le créateur de Facebook, Mark Zukerberg.
Dans Adventureland il forme avec Kristen Stewart un couple vrai, touchant, evitant le sur-jeu dans les moments cruciaux. Leurs scènes sont magnétiques. Oubliez Twilight et son héroïne frigide. Stewart est désarmante de talent dans Adventureland : Aucun maquillage, les cheveux en vrac, un air de garçon manqué et pourtant, le charme opère.
Mottola la filme avec une pudeur et une finesse assez rare pour un film marqué du sceau de la comédie légère. la teneur du film nous pose même parfois la légitimité du terme "comédie" tant il tend à basculer vers quelque chose de plus grave.Une douceur grave.

C'est peut être à cause de tout cela que le film n'est pas parvenu jusqu'à nos salles. L'absence d'humour gras et de nichons à l'écran ont dû certes découragés les diffuseurs, mais c'est surtout la tonalité du film qui n'a pas dû manquer de les effrayer.

Pour finir notons que le film se passant dans les années 1980, la BO n'a rien à envier à GTA Vice City et force la référence au cinéma de John Hughes, inconnu de notre génération mais considéré comme "Le" réalisateur des adolescents des eighties. Le choix de dater le film à cette époque n'est donc pas anodin.
Adventureland est la preuve que le "teenage movie" est un genre à travailler, à diversifier et peut être même à magnifier.

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