lundi 18 octobre 2010

The Social Network




Sean Parker: Drop the "the". Just "Facebook". It's cleaner.



La sortie de The Social Network me permet d'aborder la carrière d'un des réalisateur les plus talentueux du cinéma Hollywoodien des vingts dernières années.
David Fincher possède une filmographie qui relève presque du sans faute: Alien 3 (1992), Seven (1995) ou encore Fight Club(1999) pour ne citer que cela, sont aujourd'hui des objets cultes, des œuvres uniques et étranges qui ont hélas faits de l'ombre à des films injustement oubliés comme The Game(1997) ou Panic Room(2002).
Plus récemment, avec le brillantissime Zodiac(2007) et l'impressionnant Benjamin Button(2008), Fincher semblait avoir franchi un nouveau cap, mettant sa mise en scène virtuose et sauvage au service de films sommes, ne portant qu'en creux la trace de leur noirceur. The Social Network vient totalement confirmer cette idée et s'inscrit sans difficulté comme l'une des ses plus belles œuvres, tour de force d'autant plus admirable que le sujet du film n'avait rien d'ouvertement spectaculaire.
En s'inspirant du livre de Ben Mezrich : The Accidental Billionaires, Fincher nous prouve le contraire. Il narre l'ascension de Mark Zuckeberg sur le toit du monde telle une tragédie grecque : Rivalités, trahisons, et mises à mort, le tout raconté avec une apparente sobriété cachée en réalité par une mise en scène époustouflante (la première séquence du film, mise en boite au bout de 99 prises est une leçon de cinéma sur comment mettre en scène une discussion) le tout force le respect.
De plus, comment ne pas être touché par le sujet du film puisqu'il nous concerne tous et que à l'heure actuelle, sans Facebook, je ne serai pas en train d'écrire ces lignes puisque que n'aurai personne pour les lire!
Avec The Social Network, Fincher à écrit une partie de notre histoire, celle qui continue de s'écrire en ce moment même.

C'est pour cela que la force principale du film réside il me semble dans sa capacité à décrire notre génération, celle de l'informatique et de l'information instantanée. Avec seulement un ordinateur est une idée géniale, Zuckerberg est devenu PDG d'une entreprise qui vaut plus de 24 milliards de Dollars. Il y a vingt ans, personne n'aurait pu imaginer cela. Fincher fait du jeune étudiant d'Harvard un personnage frustré, asociable, à la limite de l'autisme. Mis à l'écart de la microsociété hype de Harvard, il aurait crée Facebook pour montrer à tout ces fils à papa et surtout aux filles, de quoi est capable un "Nerd".

Zuckerberg incarne la figure du génie incompris. A l'opposé, le personnage d'Edouardo Severin (Son seul ami qu'il finira par trahir) force l'identification du spectateur, il souhaite se "sociabiliser", rentrer dans la danse. Zuckerberg, lui, force la fascination, un sentiment situé quelque part entre l'admiration et le dégout. C'est un personnage distant du spectateur et donc illisible, perdu dans sa solitude.
De ce fait, l'idée qu'un "Nerd" paumé soit à l'origine du plus grand réseau social du monde est complètement paradoxale et pourtant parfaitement logique. Mark est un mal aimé prêt à tout pour être cool, d'où son désintérêt pour l'argent. il semble vouloir prouver à tout prix.

Avec la révolution Internet, Facebook est surement l'une des plus belles utopies du XXIème siècle. L'idée d'un monde entièrement connecté capable de communiquer à tout moment et par tout les moyens est une belle idée qui, léguée à l'humanité peut devenir une arme dangereuse.
Nous ne sommes pas sur Pandora! Magnifique sur le papier, Facebook peut devenir un outils pervers entre les mains de l'homme. Dans le film, Zuckerberg et Averin voit dans la création d'un tel réseau le moyen de draguer les étudiantes de Harvard sans prendre de risque. Facebook comme un remède à leur insociabilité!

Le film repose sur cette idée tout du long et livre donc un message volontairement ambigu. Ce n'est pas que Fincher hésite, au contraire il inverse à volonté la balance pour ne jamais caricaturer son personnage et nous faire réagir. C'est là l'immense subtilité du film auquel s'ajoute le scénario de Aaron Sorkin, dénoué de toute faille.
Les jeux d'allers et venues dans le temps ne font souffrir le film d'aucune lourdeur. Le passé apporte des réponses au présent et vice versa dans un mouvement presque dialectique.
Cette structure narrative efficace donne au film un rythme soutenu, pour ne pas dire parfait.

S'ajoute à cela la qualité des dialogues écrits par Sorkin. On retrouve l'art de la réthorique du scénariste de séries télévisées ( scénariste de " The West Wing" : A la Maison Blanche). On se rapprocherait même du sitcom tant les dialogues ont tout de joutes verbales débitées à cent à l'heure. Il faut dire que le texte est porté par de jeunes acteurs qui comptent parmi les plus talentueux d'Hollywood aujourd'hui : Andrew Garfield n'est autre que le prochain Spiderman et Jesse Eisenberg (dont je n'ai pas manquer de vanter les mérites dans ces pages : Adventureland, Zombieland) est gigantesque! Regard vide et effrayant, diction fleuve doublé d'un snobisme des plus irritants. Son Zuckerberg de composition est en tout point crédible. Le trio est complété par le surprenant Justin Timberlake, très à l'aise dans le rôle de Sean Parker, sorte de version alternative de Zuckeberg, sexy et dégénéré!

David Fincher nous gate. Direction d'acteurs brillante, rythme impeccable et cette éternelle photographie jaunâtre auquel s'ajoute un sous éclairage qui donne une atmosphère vétuste et anachronique aux lieux qu'hantent nos personnages. Toute la noirceur du film est palpable une fois encore dans l'esthétique du cinéaste.
Si Facebook est un phénomène mondiale, Fincher vient de mettre en image le mythe qui l'accompagne en dessinant la figure de Mark Zukerberg à l'image du site qu'il à crée : A la fois génial et immature, ambitieux et naïf.

Attention film très important.





3 commentaires:

  1. Il faut que j'aille le voir

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  2. La première séquence du film est déterminante narrativement. Tout le reste de l'histoire découle de ce subtil ping-pong verbal volontairement parfois laborieux (difficile à suivre, ils vont vite). Mais ne nous y trompons pas, il faut déjà considérer cette idée de "conversation laborieuse" comme une pure idée de narration remodelée par la mise en scène.
    La dernière séquence agit comme une piqure de rappel : "et ouais, tout ça pour ça, tout ça à cause de ça" , et finalement ce sont ces deux séquences qui se font échos qui résument le mieux le film. La dernière phrase prononcée est magique.

    Le personnage de Mark tient de l'ordre de la fascination ,c'est vrai ; quelle répartie ! Toujours sur la brèche, mais jamais un mot en trop, toujours émouvant, mais parfaitement exécrable. Un personnage avant tout en quête d'identité, et donc d'humanité.

    Social Network, c'ets l'histoire d'une vengeance, celle d'une vengeance sur la vie, et pas que. C'est l'histoire d'un fantasme, celui de dire "je vais tous vous montrez ce dont je suis capable bande de connards !" ; c'est le mythe de l'avènement de l'ego, la montée en puissance de l'identité (en même tant que celle de la désincarnation), la sensibilité refoulée ; bref, effectivement, le film flirte avec tout un tas d'ambiguïté et de paradoxes qui lui donnent toute sa force. Et si pour donner une véritable consistance à son corps, trouver un simulacre d'identité, Mark devait devenir un salopard ? Être un méchant, c'est toujours être. C'est là où je trouve le personnage de Mark plus humain et plus touchant que celui d'Edouardo, qui reste fidèle à son humanité présupposée et trop parfaite. Edouardo est vraiment sympa, et c'est vraiment Mark qui le pousse à lui faire un procès et à geler le compte en banque. Mark doit se construire en tant qu'humain, et cette tentative de gain d'humanité semble assez ironique compte tenu que le gars vit par procuration à travers facebook. Sa trajectoire est vaine. Tout le film tend à le condamner à la dernière séquence. Le dernier plan, une lueur d'espoir ? Plutôt un dernier relan de mélancolie.
    On a bien un modèle de tragédie grecque. Mark est une sorte de Mickael Corleone. Rongé par des passions existentialistes. Sauf que chez Marck, toute sa pauvre et fragile humanité est distillée à travers des points subtils dans la narration et la mise en scène.

    Social Network, c'est la terreur jouissive de la solitude. C'est l'anti-héros revisité, c'est le mythe de l'institution née d'un désir de vengeance individuelle. C'est la relève générationnelle des Corleone de Coppola. Alors attention Messieurs, attention Mesdemoiselles, les nouveaux anti-héros du 21eme siècle sont arrivés. Ils sont touchants, ils sont sensibles, ils sont rejetés, et ils vont tout faire pour se faire passer pour des connards. C'est seulement ainsi qu'ils pourront exister à nos yeux.

    Je kiffe ton blog Clément, c'est génial continue !

    ++

    TK

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  3. Merci pour cette note qui vient parfaitement compléter l'article!

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