Les petits mouchoirs est un film ambitieux. Ambitieux par sa durée puisque on nous annonce un long métrage de 2H30 sur une bande de potes qui part en vacances et non pas une fresque historique ou une épopée épique. Ambitieux aussi à la vue du premier plan du film, véritable tour de force qui laisse présager le meilleur.
Les puristes diront qu'il ne s'agit pas d'un plan séquence et ils auront raison car la séquence comporte en fait trois plans, mais peu importe.
Canet veut commencer très fort et il y parvient. A la manière d'un Scorcese inspiré (On pense aux plans longs de Mean streets (1973) et des Affranchis (1990), il signe ici un plan d' introduction immersif et techniquement bluffant.
On suit Ludo (Jean Dujardin) en caméra à l'épaule dans une boîte de nuit parisienne bondée, les stroboscopes multicolores nous éclatent les yeux, la musique est à la fois enivrante et assourdissante. On sort enfin de cet enfer, il fait presque jour est Paris s'éveille, nous sommes toujours avec Ludo qui grimpe bien amoché sur son scooter, parcours quelques centaines de mètres... et c'est le drame.
En un seul et unique plan, tout est dit du personnage:
Ludo est un fêtard, un excessif, un dragueur, un buveur, un type sympa et sociable mais surtout perdu et malheureux. La force du plan séquence est là. Il ne cache rien de la solitude de Ludo que ce dernier parvient pourtant facilement à déguiser dès qu'il est en présence de quelqu'un.
L'accident est bien sûr prévisible et c'est ce qui fait sa force. L'approche tendue d'un danger imminent renforce le drame. La cigarette cassé au bec de Dujardin en dit long sur son état physique et mental.
en cela Canet réalise un début de film brillant, qu'en est t-'il du reste?
On est tenté de dire: Pas grand chose, car le film ne fait que s'affaisser à partir de là et ne survit que par soubresauts, trop rare à mon gout.
Le film excelle sur le plan de la comédie grâce à un casting en or. Canet peut remercier ses amis acteurs et plus particulièrement François Cluzet qui donne tout ce qu'il a. Rien à redire de sa prestation sinon que ce fut un plaisir de le voir jouer. A mon sens, Cluzet est le deuxième et dernier atout du film après le plan séquence du début. On notera aussi la justesse de Gilles Lellouche et de Benoît Magimel qui apporte une fraicheur bienvenue au film.
C'est par le jeu des acteurs que surgit toute la noirceur du film. Les dialogues sont piquants et on flaire l'improvisation à chaque séquence. Il ne fait aucun doute qu'une alchimie entre les acteurs s'est produite durant le tournage et quand on sait que tout ce petit monde se connait bien dans la vie, tout cela n'est en rien étonnant.
Si Canet à chercher à dessiner des personnages détéstables voir dégoutants il y est parvenu. Seulement si ce dernier veut également nous dire : Cette bande de potes qui part en vacances, c'est nous, c'est vous ! Alors là le propos perd son ambition pour devenir prétention car Canet n'y parvient qu'a moitié, il oublie alors le cinéma et c'est la catastrophe.
Par un système paresseux de superposition de musiques mélancoliques sur des gros plans lacrymaux, il détruit toute ambition de finesse et se noie sous une avalanche de larmes.
Un ou deux miracles surgissent par ci par là le temps de quelques secondes. Ainsi quand Lellouche grimpe la façade de l'immeuble et se tient à la fenêtre pour regarder dormir sa belle, Canet reveille enfin sa camera et la fait bouger et vivre à nouveau.
Mais cette élan dynamique est de courte durée et le plaisir reste futile. Même demi succès avec la séquence de révélation. La scène est tendue et le dialogue mordant. On y révèle la bassesse des personnages et cette univers luxueux qui dit "bourgeois mais pas trop", détestable aux premier abords. Mais Canet prend peur et se réfugie vite dans le confort des larmes.
Sa narration veut exposer toutes les vies des personnages mais se perd par manque de rythme et de dynamisme.
L'histoire avance donc péniblement vers son climax final et alors là, il n'y a pas de mots pour décrire les maux (le jeu de mots vient du film) que Canet nous fait subir. "Le final episode" de la saison 6 de Grey's Anatomy vient de se faire doubler pour l'Oscar de la scène la plus larmoyante de l'année!
Pas besoin d'une analyse de dix lignes, on est presque dans un téléfilm de TF1 : Mise en scène minimale, Canet cherche à faire pleurer la salle en filmant des gens qui pleurent. Pour un cinéaste ambitieux, c'est bien peu. On est à l'opposé de la première séquence du film.
Comment peut on introduire si magistralement son film et si mal le conclure ? Ask Guillaume.
Peut être le film devait t-il se finir bien plus tôt, peut être Canet n'a t-il pas su comment le finir, peut être n'avait -il pas assez confiance en son film, en tout cas cette dernière séquence joue beaucoup sur la sévérité de ma critique.
Le film est long mais souvent drôle, et par une seul et unique fois génial. Hélas Canet n'a pas chercher à faire une comédie mais plutôt un mélodrame, et c'est là qu'il s'est raté.
Je change de sujet pour signaler que Movies Chronicles va accueillir de nouveaux Blogger.
Vous pourrez très prochainement profiter des articles de Thomas Keumurian et Pierre Andrieux, des confrères étudiants qui ajouteront leur patte à cette page.
Je les remercie d'ailleurs de leurs avis qui m'ont aidé à construire la critique d'aujourd'hui.
Merci pour ce morceau de bravoure éclairante.Rem
RépondreSupprimer