Billy : Life is like a movie. Only you can't pick your genre.
Slasher signifie en Anglais « celui qui découpe ». Considéré comme un sous genre du film d'horreur, le "Slasher movie" surgit avec succès à la fin des années 1970 et au début des années 1980 avec en première ligne des œuvres considérées à présent comme des must du genre: Halloween (1978) de Carpenter, Friday the 13th (1980) de Sean S. Cunningham ou encore Nightmare on Elm street (1984) de Wes Craven. The Chainsaw Massacre (1974) de Tobe Hooper peut faire débat car il combine à la fois les codes du gore et ceux du Slasher, il n'en reste pas moins un film déterminant pour le genre (je laisserai d'ailleurs s'exprimer mon ami le Dr Loomis, spécialisé dans le genre horrifique car il semblerai que le premier slasher movie se nomme Black Christmas (1974) d'un dénommé Bob Clark).
Pour ma part il me semble que le premier ersatz de Slasher serait à aller chercher du côté de Alfred Hitchcock. Psycho (1960) contient déjà en soi tout les procédés esthétiques et narratifs qui feront les codes du Slasher du nouveau cinéma américain: Un tueur psychotique en la personne de Norman Bates dont la névrose semble se justifier par des pulsions sexuelles refoulées induit déjà le tueur de Halloween dont on apprendra qu'il s'est échappé d'un asile. Le crime comme expiation d'un traumatisme psychologique. De même Hitchcock travaille et réinvente le concept de château hanté et déplace le drame dans l'espace de la maison, lieu labyrinthique et tortueux, symbole de la résistance physique, fatale pour toute victime poursuivit par une figure meurtrière.La maison comme espace intime, le « Home sweet Home » où l'intrusion du mal peut être vécu comme un viol. Le travestissement de Bates est également révélateur. Il faut cacher le visage du tueur, le déshumaniser. Le masque est un code du Slasher, que se soit un masque blanc, de hockey, de démon, il participe également de l'effet de mystère sur la source du mal. Qui est le tueur ?Enfin le « gimmick » essentiel du Slasher movie : Le couteau, l'arme létale est déjà présente en puissance dans Psycho. C'est l'arme de prédilection du Slasher (le découpeur) dont la tronçonneuse de Chainsaw massacre ou les griffes de Freddy seront des variations extrapolées. Le couteau est symbole d'une mort violente, sanglante, mais c'est aussi un objet phallique, pénétrant. Si la maison est symbole d'intimité et de sécurité (les verrous), le couteau est quand à lui un objet de transgression, de force masculine. On comprend ainsi toute la dimension érotique qui englobe le slasher movie, du moins à un niveau métaphorique et ce n'est pas pour rien si la victime est souvent une jeune femme. On y reviendra.
Le Slasher des années 1970/1980 après s'être donc allégrement inspiré de l'œuvre hitchcockienne, ira flirter un temps du côté du fantastique, à la recherche d'une peur plus primaire et monstrueuse. Le tueur Halloween conserve sa figure fantomatique (il apparaît et disparaît subitement), Jason quitte peu à peu son enveloppe humaine pour celle d'un Zombie immortel et le cinéaste Wes Craven assume pleinement la dimension fantastique du personnage de Freddy en lui attribuant une figure de Croque mitaine, il rejoint ainsi le concept de la peur enfantine.
Passé ces glorieuses et sanglantes années, le Slasher s'est tue ou du moins il n'a plus connu le même succès. Les suites se sont enchainées sans pour autant retrouver l'efficacité des débuts et il à fallu attendre quelques années avant que le genre revienne en force, déterrée par l'un des maîtres qui l'avait consacré, Wes Craven. Scream sort en 1996, c'est un triomphe populaire.
Scream va à la fois continuer et réinventer le genre. Craven adapte les codes du Slashers à son époque. La cible est toujours la même que 15 ans auparavant, le public adolescent. Mais entre temps, les mœurs et la société ont évoluées, il faut donc s'adapter.
Aucun évènement surnaturel.
Il s'agit là d'un retour au source et donc à Psycho. Craven fait fit de toute intrusion du fantastique dans son film. Comme Bates, le tueur de Scream est plus que jamais un être humain. Impossible donc pour le spectateur se réfugier confortablement dans la distanciation de « Ceci n'est qu'un film ». L'horreur, avec Craven, ne se cache plus derrière des visages démoniaques, des êtres physiquement monstrueux, le danger est réel.En revanche, Craven mêle cette fois un, voir deux autres genres: Le teenage movie américain et le thriller policier.
Il y a une volonté apparente du cinéaste de casser l'image proprette du « college movie ». D'abord par le choix des acteurs qui ne sont en rien des icônes sexuelles standardisées, ensuite par l'intrusion du meurtre et de la suspicion dans l'enceinte du lycée et donc de l'éducation américaine. Craven ne cache en rien les principaux sujets de conversations du groupe de potes que nous suivons : On parle se sexe encore et toujours. Le Thriller découle logiquement de la première donnée qui consiste à bannir le surnaturel. Si le meurtrier est un homme, alors on doit pouvoir le trouver l'arrêter et le juger. Le couple Police/Medias symbolisé par l'autre couple Courteney Cox/ Davis Arquette à donc une place importante dans les ressorts de l'intrigue.
Armes blanche et téléphone portable.
L'autre aspect de la modernité de Scream c'est l'apparition des nouvelles technologies avec en ligne de mire le téléphone portable. Le téléphone est la nouvelle arme du Slasher, c'est un outil de mise en scène. Il s'agit de faire précéder l'acte par un jeu pervers d'anticipation. Craven explore avec Scream le principe de la conscience. Le concept cinématographique de suspens, largement élaboré par Hitchcock qui consiste à mettre le spectateur dans une position de savoir supplémentaire par rapport au personnage est brisé. La victime sait qu'elle va mourir, elle est consciente de sa mort imminente.C'est ce qui fait de Scream un film pervers. Ce procédé est rendu possible par l'utilisation du téléphone sans fil. La victime peut se déplacer dans l'espace clos qui l'emprisonne tout en étant relier au tueur via le téléphone.Par ce procédé, Craven humanise le tueur en lui donnant une voix, une substance. Bien sûr cette voix est déformée pour ne pas être reconnue ce qui lui donne par la même occasion une tonalité grave et effrayante.Le téléphone est une idée brillante, il devient l'allié du tueur. Mais la technologie peut aussi lui faire défaut. Ainsi, quand Sidney se fait attaquer pour la première fois, elle appelle la police avec son ordinateur, avec internet donc! On sait également que c'est en traçant les téléphones que la police pourra soupçonné Billy.
Un Slasher conscient : Références et mise en abîme.
en 1995, Wes Craven reprend les reines de la saga Freddy, laissée à la dérive. Le concept est malin : Wes Craven veut tourner un nouveau Freddy (Freddy sort de la nuit 1995) et appelle tout les acteurs du premier opus pour leur demander de jouer dans film. Mais Freddy ne l'entend pas de cette oreille et compte bien revenir une fois de plus pour semer la panique dans l'équipe du film.Craven travaille déjà ici le procédé de mise en abîme tel que l'imaginait André Gide en 1893 qui affirmait:
« J'aime assez qu'en une œuvre d'art on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre ».
comme le dit très bien Wikipedia : la mise en abime est un procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre du même type, par exemple en incrustant une image en elle-même.
C'est exactement ce que fait Craven avec Scream, et c'est là que l'analyse se complique un peu.
Scream est un slasher movies qui parle de slasher movies. Craven s'amuse avec le procédé de mise en abime, il crée plusieurs niveaux de réalité. Mais tentons d'éclaircir tout cela :
1) D'abord il y a la réalité : C'est vous et moi qui allons voir Scream au cinéma en se disant qu'un petit film d'horreur nous fera pas de mal.
2) Ensuite il y la fiction, le film Scream qui se déroule devant nous. Dans ce film, les personnages se retrouvent confronter à une série de meurtres qui viennent perturber leur réalité. Ils ont l'impression de se retrouver dans un film d'horreur. Le fait est que pour nous, il sont dans un film d'horreur!
Comme leur réalité est semblable à la notre, ces crimes sanglants leurs font penser aux films de slasher qu'ils ont vus: Les personnages citent donc tout les films de slasher, de Halloween à Freddy et rigole bien des leurs codes convenus et de la psychologie des personnages de ces films.L'effet de mise en abîme est d'autant plus subtil que les crimes du tueur sont en plus inspiré des films de slasher. C'est dans les films d'horreurs que le tueur trouve la source d'inspiration des ces meurtres, en découle la réutilisation du masque, du couteau...
3) Pour compliquer le tout, Craven procède d'une double mise en abîme à la fin du film.Les personnages de fiction que nous regardons sont eux même en en train de regarder un film d'horreur, en l'occurrence Halloween. C'est le principe du film dans le film. Le plus génial c'est que Craven utilise ce procédé à des fins narratives. Rien n'est gratuit. Le film halloween interagit avec Scream. Quand Jamie Lee Curtis pousse des hurlements à la télé, Dwight pense que le crie vient de la maison. Comble de tout, c'est en écrasant la télé sur la tête du tueur que Sidney parvient à s'echapper.
On a définitivement mal au crâne quand Courteney Cox pose une camera dans le salon et retranscrit l'image sur un écran situé dans son camping car. On se retrouve ici avec un personnage de film d'horreur qui regarde un film d'horreur pendant qu'un autre personnage de fiction le regarde dans un camping car et que nous regardons tout cela bien assis dans notre siège!
Voilà pourquoi Scream est un Slasher moderne, parce que c'est un slasher conscient. Les personnages connaissent les codes des films d'horreurs, ils savent presque qu'ils sont dans un film puisque les frontières entre réalité et fiction sont abolies. L'un d'eux est même cinéphile, il énumère les règles à suivre pour survivre. Sydney Prescott, la superbe héroïne de Craven n'a par contre rien de la pimbêche habituelle. Elle prend conscience qu'elle est dans un film d'horreur mais décide en revanche d'en changer les règles. En quelque sorte elle fait évoluer le genre! Ainsi, même si elle perd sa virginité elle se sera pas puni. Manière de dire que nous ne sommes plus dans les années 1970 et que le sexe n'est plus un péché. A la fin, elle inverse les rôles et revêt à son tour le costume du tueur, elle devient la chasseuse et non plus la victime; et quand ce dernier se relève pour un dernier frisson, elle l'achève d'une balle dans la tête en affirmant que ce genre de chose n'arrive pas dans son film.
Enfin Craven évoque de manière évidente la possible influence des films d'horreur sur le comportement des jeunes. Le cinéma pousse t-il au crime ? La réponse de Craven est dans le film :
Sidney Prescott: You sick fucks, you've seen one too many movies!
Billy: Now Sid, don't you blame the movies, movies don't create psychos, movies make psychos more creative!
Le mal de l'humanité serait donc bien plus profond et les films ne serait qu'un support pour des tueurs en puissance. La fiction et la réalité se mêlerons une dernière fois puisque après la sortie du film, certains meurtriers endosserons la panoplie du tueur de Scream pour arriver à leurs fins.
Diffcile de trouver la même complexité dans les Slashers movies qui tenterons de profiter de la vague Scream. I know what you did last summer (1997) ou Urban Legend (1998) paraitront bien fades et beaucoup plus convenus. En revanche la trilogie Scream se tiendra jusqu'au bout, repoussant toujours plus loin le procédé de mise en abime. Can't wait for Scream 4!
Clément Levassort.
Analyse très intéressante. Ca fait plaisir de parler un peu de Wes Craven, du slasher et du cinéma d'horreur tout court. C'est un peu trop laissé de coté et c'est dommage car, comme tu viens de le montrer, y'a énormément de choses à dire.
RépondreSupprimerj'ai eu la flemme de lire ta critique, seulement j'ai quelque chose à dire quelques lignes plus bas ; n'ayant pas été effrayé par scream, complètement démystifié par les multiples parodies du film (que j'ai vu avant) je n'ai pas su apprécier ce film à sa (ta) juste valeur.
RépondreSupprimerbref, voilà ou je veux en venir, à un moment du film, avait tu remarqué que l'homme de ménage (qui apparait furtivement) est habillé de la même façon que Freddy (et ses griffes dans la nuit).C'est furtif mais c'est marrant.
Soyons plus précis, c'est lorsque le directeur de l'école apprécie la finesse de la lame.
oui bien sur je m'en suis rendu compte en le voyant l'autre jour!
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