vendredi 12 novembre 2010

Buried de Rodrigo Cortès: Un pari gagnant?





Avant de commencer cette première critique sur Movies Chronicle je tiens à remercier chaleureusement Clément pour l'opportunité qu'il nous a accordé à mon collègue Thomas et à moi.

Clement, c'est un grand plaisir que d'écrire pour la première fois pour Movies Chronicle.

Buried est sorti en France depuis un peu plus d'une semaine. Les affiches étaient visibles un peu partout dans la capitale avec ces formules tentatrices et alléchantes du genre: « digne d'un thriller d'Hitchcock » « Claustrophobe s'abstenir » j'en passe et des meilleurs. Ne pouvant résister à la tentation, poussé par la curiosité je décidais d'aller y voir de plus près. N'attendant pas monts et merveilles, ne connaissant ni Rodrigo Cortès et son film précédent: Le Concurrent (2007), ni Ryan Reynolds l'acteur.

En effet Buried fait partie de ces films qui,en apparence, se présentent comme de pures exercices de styles, à la volée citons: Le Projet Blair Witch, Rec ou encore les récents Paranormal Activity. Au départ, toujours une idée saugrenue remettant en cause les codes formels régnant à Hollywood même si le fond est toujours lié au film de genre et est en cela souvent moins novateur.

Bref, ça paraît toujours très stimulant sur la bande annonce et une fois devant (Paranormal Activity)....Ici l'exercice se résumerait à cette question: comment faire 90 minutes de film sur un homme se réveillant enfermé dans un cercueil. C'est à dire en creusant légèrement: Comment créer de l'action? Comment varier les atmosphères? Comment éviter que le spectateur moyen fiche le camp vite fait de la salle avant de mourir d'ennui?

Il faut rappeler avant tout que l'expérience proposée par Cortès avait déjà été tentée par Tarantino. Soit le culte Kill Bill Vol 2 où la mariée revenait encore une fois d'entre les morts et défonçait à la main sa caisse en bois sur fond d'Ennio Morricone (un grand moment).

Revenons en à Buried et à la question: Comment, en terme de mise en scène, de montage créer du suspense, du rebondissement, du mouvement en s'imposant de ne jamais quitter de vue le cercueil et notre personnage?

C'est là que le film devient très intéressant. Après un générique particulièrement réussi qui rend hommage dans sa construction et sa musique (Saul Bass et Bernard Herrmann ne sont vraiment pas loin) au maitre Hitchcock (voir les génériques de Psycho ou La Mort aux Trousses) dont on tend à rapprocher le film de Cortes, on rentre directement dans le vif du sujet soit le premier plan....Roulement de tambour: un écran noir. Le vide, le néant cinématographique -ou presque puisqu'on a quand même du son-.

On saisit par ce plan la tension permanente dans lequel se situera le film et le spectateur. C'est qu'en effet, pour qu'il y'ait cinéma il faut qu'il y'ait lumière -et la lumière fut dit Cortès-. Et une fois qu'on aura la lumière pour que le film marche auprès du public il faut qu'il y'ait de l'action dans son sens le plus basique: des interactions, des duels entre un personnage et d'autres qui, vont modifier ou tendre à modifier une situation de départ, ici: SORTIR DU CERCUEIL . C'est la matrice même du schème hollywoodien que donne à voir Cortès qui, l'intensifie au maximum. Pour reprendre et simplifier Deleuze: Situation-Action-Nouvelle Situation modifiée par l'action précédente. Et on avance ainsi jusqu'à la fin du film où, peut être la situation aura changée définitivement: le héros sortira -ou pas- de son tombeau.

Donc après la lumière (ah le bon vieux Zippo), Dieu/Cortès créa l'unique objet susceptible de lui permettre de tenir son pari fou et excitant:Le Téléphone Portable! Le portable devient le centre du récit: l'action se fera quasi uniquement par lui. L'objet comme souvent au cinéma envahit le premier plan et sert ici de compte à rebours pour le héros autant que pour le spectateur: quand les quelques barres de batterie seront épuisées alors ce sera la fin. Fin de l'action, isolement total et définitif avec le monde: mort du héros et mort du film. Retour à l'écran noir.

Mes aieux! Ca va pas être de tout repos. Donc, Sortira ou sortira pas? On ne dévoilera rien ici et nous nous conformerons aux volontés du réalisateur: « je serai capable de tuer celui qui révèle la fin du film à quelqu'un qui ne l'a pas vu ».

Limitation d'espace oblige: on est rivé au corps de Ryan Reynolds et Cortès est très bon dans son traitement de l'espace. Bien sur certaines choses selon mon avis marchent moins bien: par exemple quand, par un lent travelling arrière on s'éloigne du personnage,et on franchit les parois du cercueil dans le but d'avoir Reynolds et le cercueil dans leur ensemble (un type de plans qui revient plusieurs fois). Le fait de s'abstraire complètement de l'espace rompt l'illusion et le réalisme: en effet, pour sortir du cercueil, quitter l'espace filmique que s'est astreint Cortès il faut franchir une des parois et par là même rompre l'espèce de code implicite réaliste liant les spectateurs et le film: l'enfermement dans la boite. Un Processus de distanciation surenchérissant sur l'isolement du personnage qui en plus de l'être avec le monde filmique l'est aussi dans ce cas là avec nous. Nous avons l'avantage de sortir du cercueil quand nous le souhaitons grâce à un mouvement de caméra, de prendre du recul contrairement au héros. Cela va à l'encontre de l'immersion recherchée par le réalisateur, ces moments de pause ne me semblent pas utile et ils cassent l'illusion diégétique.

Mais quand est t'il de l'exercice de style et de nos questions soulevées en début de texte: il faut bien avouer que Buried est un pari réussit, me semble t'il, haut la main d'un point de vue formel. Cortès se révèle très ingénieux. Prenons l'exemple de l'éclairage: un changement d'éclairage stimulera le spectateur visuellement, cassera sa routine de vision, teintera d'une atmosphère nouvelle l'espace filmé. Il semblait impératif pour un film de 90 minutes de ne pas rester dans une monotonie visuelle. Donc, il fallait multiplier les sources possibles de lumière: entre le zippo, la lumière du portable, la lampe torche proposant deux types de visions nous ne sommes pas en reste.

L'action ne s'essoufle à aucun moment et atteint son paroxysme total dans, à mon avis la séquence la plus réussi du film: le duel -intervenant de manière totalement déconcertante- avec un serpent effronté s'étant introduit dans la demeure du héros (même dans nos tombes ils viendront nous enmerder). Séquence génialement construite et montée. C'est que Reynolds est en enfer pour notre plus grand et malsain plaisir. Dans un espace réduit au maximum Cortès trouve le moyen d'introduire un duel physique (avec le serpent) et un montage alterné (base du cinéma d'action et du cinéma américain tout court) entre serpent prêt à mordre à tout moment et le téléphone portable se mettant en plus à sonner avec obligation de réponse de la part du héros. Le tout servi par un montage nerveux mais jamais illisible. Eh ben mon vieux! Chapeau!

Je laisse de coté le contexte guerre en Irak, prise d'otages etc) et la volonté de dénonciation politique dans lesquels s'ancre le récit qui n'est bien sur, pas à occulter non plus : le film se révèle très bon pour égratigner les corporations et le système bureaucratique américain (très grande scène final). Cela sans jamais sombrer dans un pathos larmoyant (pas le temps pour ça).

Buried est un film à voir au cinéma cela va de soit, l'obscurité de la salle et la taille de l'écran jouant un rôle indéniable dans le processus immersif total que recherche Cortès. Cette réussite ne peut nous laisser présager que du bon pour le prochain film du réalisateur: Red Lights avec tout de même Robert de Niro et Sigourney Weaver.


Pierre Andrieux

4 commentaires:

  1. Je ne suis pas d'accord avec toi quand tu parles de ces longs plans où l'on "sort du cercueil" en travelling arrière. Car justement, on n'en sort pas : si la caméra recule et s'éloigne effectivement du personnage, les parois du cercueil s'étirent en même temps ; ainsi l'on reste toujours cloîtrés dans cet espace étouffant. À mon sens il faut voir ces plans comme une forme d'évasion mentale du personnage : ils interviennent aux moments où il est le plus désespéré, voire quand il s'évanouit ; son esprit se retrouve libéré et tente de s'échapper, mais toujours en vain, justement du fait que les parois du cercueil grandissent en même temps que lui.

    Par ailleurs, je me permets d'ajouter que s'il faut voir le film sur grand écran, c'est aussi pour avoir de bonnes conditions d'écoute : en effet à mon sens 80% du film repose sur le son, et non sur l'image. Si l'on a l'impression d'étouffer dans ce cercueil, ce n'est pas tant à cause des cadrages serrés ou de l'espace filmique extrêmement réduit (et encore, je trouve les cercueils irakiens plutôt vastes ; des familles d'immigrés vivent dans des appartements plus petits que ça à Paris) mais bien à cause de la respiration saccadée du personnage, tellement forte qu'elle semble arracher toute molécule d'oxygène de nos poumons. Si le duel avec le serpent est si terrifiant, c'est avant tout à cause des sons émis par l'animal, et la nécessité pour le perso d'être le plus silencieux possible pour ne pas l'énerver ; chaque son (le portable, principalement), aussi faible soit-il, prend alors une ampleur terrible et menaçante. Ce traitement absolument brillantissime du son constitue d'ailleurs à mon sens la principale différence qui existe (et a toujours existé) entre le cinéma français et le vrai cinéma, particulièrement hollywoodien.

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  2. tu as tout à fait raison de relever l'importance du son dans le film que j'ai effectivement laissé de coté à tort. Je te remercie de pointer cela du doigt. Après je ne pense pas qu'on puisse réduire son travail formel à l'utilisation sonore (80 pour cent comme tu le dis cela me semble considérablement exagéré, si tu prends la séquence du serpent la tension est créée par une utilisation du montage alterné particulièrement brillante: gros plan, très gros plan même sur les yeux des deux adversaires très frappant; la tension nait de cet étirement du temps par le montage; procédé classique dans le cinéma d'action soit mais qui revêt ici toutes les caractéristiques de la performance et du tour de force vu l'espace que s'est imposé Cortès.)
    Si le traitement du son est bien souvent sous estimé -à tort- il ne faut pas non plus en faire sa croisade au détriment de l'image extrêmement travaillée dans le film.
    Quand à ces longs plans où l'on s'abstrait de l'espace du cercueil: s'ils renforcent l'isolement du personnage et fournissent au spectateur des temps de répit ils ont aussi selon moi le défaut de rompre avec les engagement esthétiques que semblent se fixer Cortès: une proximité totale avec le personnage et une immersion maximale. Ce processus de distanciation apparait très beau esthétiquement mais casse l'illusion et sort le spectateur du film.
    Si le coté voyeurisme malsain est très présent dans le film (l'enregistrement des vidéos par le protagoniste) c'est un procédé interne au film. Hors ici c'est à un niveau externe (le spectateur renvoyé à sa condition de spectateur) que se situe ces plans.

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  3. Bon, d'est définitif, j'irai voir ce film. Vos chroniques me coutent cher. Longue vie au blog !

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