dimanche 23 janvier 2011

Poupoupidou : le Purgatoire immaculé



''Je m'en irai dormir dans le Paradis Blanc'', Michel Berger.

''If Man is 5, then the Devil is 6, and if the devil is 6, then God is 7'', Black Francis

Publié par Thomas K.

David Rousseau, auteur de polars en manque d'inspiration, trouve dans la mort d'une starlette locale de Franche-Comptée un sujet pour son prochain roman.

Une très belle histoire. Tragique, touchante. Une véritable histoire d'amour. Pas l'amour trop facile, trop clinquant, qu'on trouve dans les comédies romantiques, ni celui trop sale, trop dégueulasse, qu'on nous jette à la figure dans les drames. L'Amour du ''tant pis'', l'Amour du ''dommage'', du ''si seulement''. Poupoupidou, c'est l'histoire d'un retard, d'un trop tard, d'un rendez-vous manqué, d'une évidence qui attendra les dernières secondes pour être prononcée. La fin est magnifique.

David est rapidement ensorcelé (''I put a spell on you'') par celle dont il cherche à élucider la mort. Il parcourt les terres enneigées et désertiques pour rechercher la vérité ; il court après un fantôme, il poursuit le souvenir de la belle Candice Lecœur, sa trace, jusqu'à se plonger dans la lecture des journaux intimes de Martine, véritable nom de la starlette dédoublée, écartelée entre sa vraie personne et sa persona médiatique. Candice est le corps, l'arme pour être aimée. Martine, incarnée seulement dans ses carnets, est l'esprit. On apprendra à s'attacher aux deux. Le spectacle du corps contre l'exhibition de l'esprit.
Chaque personnage rêve d'en être un autre : David voudrait être James Ellroy, Candice veut être Maryline, le gendarme Bruno voudrait être un agent du FBI. Chacun rêve trop grand. Les personnages sont liés dans leur propension à se créer un double (''l'inspecteur Voltaire'' par exemple, héros des romans de David). Candice, le corps médiatique, celle qui "appartient à tout le monde", devient la figure, l'emblème de ceux qui rêvent à être plus que ce qu'ils sont.

Sophie Quotin et Jean-Paul Rouve portent le film avec une sensibilité, une fragilité, une tendresse palpable dans chaque image où ils apparaissent. Les seconds rôles sont également brillamment interprétés. Aucune erreur de casting, jusqu'à la coiffeuse interprétée par la décidément très douée Joséphine de Meaux. La voix écorchée, douce de Candice qui nous vient d'outre-tombe est comme un chuchotement mélancolique qui a la force du prosaïsme et la langueur du lyrisme perdu, ou jamais trouvé. Les lignes de voix off sont un tour de force littéraire.

L'insistance sur le décor naturel enneigé appuie une impression étrange d'un ailleurs, d'un au-delà. Comme un gigantesque tombeau, celui de Candice/Martine. Le visage de Rouve contre l'infinité immaculée. Un paradis, non plutôt un enfer blanc. Un purgatoire où se révèle la vérité de l'être. Un lieu de l'infini qui paradoxalement se révèle enfermant ; Candice n'arrivera pas à le quitter, et finira même rendue à la neige. La monotonie du paysage donne l'impression qu'on fait du surplace, on est dans un système finit, fermé, qui fonctionne en autarcie. Le no man's land dans lequel est retrouvée le corps de Candice renvoie à l'idée de son retour à la Nature (un no man's land est une terre qui n'appartient à aucune société humaine), et ainsi dans chaque image de neige se surimprime la blondeur de sa chevelure, la pureté de son innocence tragique.

Mouthe, la ville la plus froide de France, semble fonctionner sur un mode hibernatoire. Pas de chauffage dans la chambre d'hôtel, la neige qui vient recouvrir la voiture pour empêcher David d'avancer...le lieu est englobant. Voire la scène où David est en route pour Mouthe, et qu'à peine passé le panneau de bienvenue, la radio se brouille. Il fait marche arrière de quelques mètres, la radio revient. Cette scène définit un passage-frontière. Mouthe, ville des glaces, fait office "d'ailleurs". Un lieu pour se rendre compte que l'on ne sera rien de plus que ce que l'on est déjà.

Le film est lent mais jamais ennuyeux. La trame tient en haleine jusqu'au bout. Toutes les scènes avec Sophie Quotin sont d'une sensibilité bouleversante, les flash-back détiennent une force tragique et mélancolique. Je vous préviens, on ne sort pas indemne de ce film. A moins d'avoir perdu à jamais sa capacité à ressentir, tout simplement. La justesse et l'attention portée aux personnages secondaires y sont pour beaucoup. La réceptionniste de l'hôtel très nature, le gendarme qui épaulera David dans son enquête ; ils participent de cette intensité humaine qui fait vibrer le film.

Le filmage se veut à la fois proche de ses personnages et contemplatif pour un désert blanc qui renvoie à la vacuité et la contingence humaine. Le film véhicule ainsi l'idée qu'une vie se construit sur la propension à se connecter avec les autres, la capacité à être aimé. Une rencontre peut tout changer, c'est celle qui n'aura jamais lieu dans le film.

Poupoupidou, c'est aussi un film sur un mystère. Celui de la mort de Candice, bien sûr, mais aussi celui de la question de la réincarnation, des destins déterminés. Candice croit être la réincarnation de Maryline Monroe, et le cours des évènements pose la question d'un blocage psychologique ou d'un véritable déterminisme ; après tout beaucoup d'éléments s'agencent pour lier Candice et Maryline, et même Candice et David. Comme si toute cette histoire tendait vers les dernières secondes de voix off du film. Mais le plus grand mystère, pour le spectateur qui a l'œil attentif, reste celui du chiffre 5...chiffre de la mort ? (Monroe est morte un 5 aout) La trace du souvenir de Candice qui hante David ?

Poupoupidou est également bourré de références, plus ou moins directes. La découverte du corps de Candice rappelle fortement celui de Laura Palmer dans la série Twin Peaks ; l'histoire elle-même renvoie à la série, avec la petite ville de Mouthe entourée de grands arbres alpins,fermée sur elle-même, et qui renferme des secrets...le gendarme Bruno mène son enquête en suivant un manuel du FBI. Dale Cooper n'est pas si loin. On sourit aussi avec la référence directe à Fellini, lorsque les gendarmes doivent descendre un homme perché ans un arbre qui crie à tue-tête qu'il veut une femme. La musique song to the siren (ensorcelé, on vous dit) est même utilisée, dans une version retravaillée, mais elle renvoie bien à la scène d'amour dans la Death Valley de Lost Highway de Lynch. La nudité des espaces enneigés qui fait ressortir les corps fait penser à Fargo des frères Cohen. Son livre "un crime Andalou" pour le film Un chien Andalou...Vous avez compris le principe.

Également, juste une ligne pour souligner l'idée de l'hyper-audition dont souffre David (il entend tout beaucoup plus fort) ; idée très cinématographique qui remet le traitement du son sur un piédestal. Chapeau bas.

En résumé, Poupoupidou est un polar poétique. Troublant, touchant, exaltant. Divinement interprété. Du très bon cinéma français. Mon grand coup de cœur du mois de Janvier. Sérieux, courez le voir !

POUPOUPIDOU, c'est comme une chute de flocons qui font office de larmes sur un écran de veille. C'est envoûtant comme une chanson triste susurrée par Maryline.

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Thomas K.

vendredi 21 janvier 2011

Harry Brown de Daniel Barber ou L'ultime retour du Vigilante


Ecrire sur Harry Brown présente quelques difficultés. La principale nait du fait que le film se place dans l'apparente continuité d'un genre bien connu: les « Vigilante movies » nés dans les années 70 et dont les deux oeuvres les plus célèbres sont Dirty Harry (L'Inspecteur Harry de Don Siegel 1971) et Death Wish (Un Justicier dans la Ville 1973) de Michael Winner. Le Vigilante est l'individu adepte de l'auto justice punitive et expéditive. Ce passage à l'acte trouve matière à s'actualiser on s'en doute lorsque les lois ne sont plus garantes du maintien de la sécurité de la communauté.

On a bien souvent taxé les films de Winner et Siegel comme étant profondément conservateur et réactionnaire. Il faut replacer les films dans leur contexte. A ce grand trouble que furent les décennies 60 et 70 aux USA (émergence de la contre culture, apparition de la violence à l'image, libération des moeurs etc) venait répondre le justicier solitaire, type Harry Callahan (Clint Eastwood) ou Paul Kersey (Charles Bronson). Porte parole de la majorité silencieuse ils incarnaient son prétendu ras le bol profond face à la montée en flèche de la violence dans ce monde en perte de repères et réagissaient face à l'incapacité des forces de l'ordre et des garants de la justice. Qu'on se remémore l'image célèbre d'Harry/ Eastwood qui dépité et écoeuré balançait son étoile d'inspecteur à la flotte à la fin du film de Siegel.

Bref, difficulté donc car le genre a été longuement commenté et analysé et cela brillamment. Que dire de plus qui n'ait pas déjà été dit? Cela devient aussi difficile de ne pas s'égarer dans les lieux communs du questionnement propre à ce genre de film. Je veux parler de la question morale archi ressassée qu'ils soulèvent: En pratiquant cette justice punitive l'individu n'en vient il pas à se placer justement du coté de ceux qu'il traque? Ainsi l'inspecteur Harry était constamment associé au meurtrier qu'il pourchassait par la mise en scène de Siegel. Bref la loi du Talion est elle moralement acceptable et justifiable par nous spectateur?

Chacun ira de son petit argument, peu importe. Le débat est sans fin. Et il devrait même prendre en considération l'essence du cinéma hollywoodien puisque les « vigilante movies » trouve leur origine dans le western, films où la loi du plus fort est reine (voir à ce sujet L'Homme qui tua Liberty Valance de Ford, film parangon sur cette question). Hollywood a toujours aimé les individualistes plein de méfiance envers le système et préférant régler leurs comptes eux même c'est un fait.

Alors où se situe Harry Brown par rapport à ce lourd et pesant héritage?
Tout d'abord, autant le dire, la filiation avec la tradition est évidente. Ne serait ce que par le choix de l'expérimenté est toujours excellent Michael Caine pour incarner Harry Brown. L'acteur est dans la droite lignée des Eastwood et des Bronson. Regard fort et déterminé, visage marqué, quasi impassible...

Mais là où Eastwood et Bronson étaient, au sein des deux films cités ci-dessus, dans la force de l'âge, au mieux de leur forme, Caine/ Brown est un corps usé, fatigué, en inadéquation total avec le monde qui l'entoure. Et du coup on irait flirter du coté de ce bon vieux Eastwood et de son magistral et récent Gran Torino. Le film d'Eastwood s'apparentait à un vigilante movie mais le coup de force génial du maitre était d'inverser totalement les valeurs du genre. Ce n'était plus le « punk » ou le délinquant qui se faisait laminer à coup de 357 Magnum mais bien le héros, qui passait de la figure de justicier à celle du sacrifié sur l'autel de la justice dans un ultime soubresaut expiatoire. Tout s'inversait car le monde dans lequel il évoluait s'était inversé.

Dans Dirty Harry le serial killer Scorpio s'apparentait à un individu en dehors des normes. Le mal menaçait l'équilibre de la société. Aux grands maux les grands remèdes. Seul un Harry Callahan flirtant sur la corde raide séparant le bien du mal pouvait nous rapporter la paix. Mais que faire quand le mal n'est plus extérieur au monde mais est devenu sa composante essentielle? L'invasion s'est étendu et d'un individu esseulé(Scorpio) nous sommes arrivé aux groupes d'individus, le gang. Tel est la situation de Gran Torino et d'Harry Brown dont on peut situer une lointaine origine chez Martin Scorsese et son Taxi Driver ainsi que de manière plus significative dans Un Justicier dans la Ville. Travis Bickle tout comme Harry Brown était un ex soldat. Tout comme lui il constatait impuissant et passif la gangrène du mal ronger son monde (Voir le nombre de fois où Brown regarde incrédule agressions et autres méfaits se produire sous ses yeux.).

Mais, contrairement à Brown, Travis était aussi et surtout un névrosé, dont le délire psychotique et paranoiaque allait en augmentant jusqu'au bain de sang final. La violence il la fantasmait presque de son taxi. Cela tout comme le Paul Kinsley du film de Winner qui substituait « à la réalité objective une réalité subjective fondée sur une vision délirante et binaire de la société » pour citer J B Thoret à propos du film. Le délire paranoiaque envahissait le personnage et altérait sa perception du monde.

Rien de cela dans le film de Barber. Nul délire de névrosé. La violence se veut objectivée. Elle préexiste même sur l'écran à l'apparition du héros. Cela dans une ouverture saisissante. Barber choisit de montrer les méfaits des jeunes de la cité assassinant une mère de famille pour le plaisir. Le parti pris est ultra réaliste et c'est dans la qualité de prise de vue d'un téléphone portable qu'est filmé ce début.
La caméra tourbillonne, l'image est dégueulasse, la résolution faible. La violence n'est pas issu de l'esprit dérangé de Caine mais est la donnée essentielle du monde que l'on perçoit nous dit Barber. L'esthétique de l'image dans cet ouverture se pose en effet comme reflet de celui-ci. Un monde où le statut du cadre n'est plus assuré, où l'on frise le chaos car il est tombé (le cadre donc le monde) entre les mains d'une bande de drogués dégénérés et avides d'émotions fortes qui font la loi.
C'est un fait, dans le film de Barber l'univers est presque celui d'un film post apocalyptique. La photographie de Martin Ruhe est par ailleurs magnifiquement glauque.

Le mal est partout à l'horizon. Nul échappatoire pour le retraité qu'est Brown. Fini de fermer les yeux, il lui faudra agir (séquence ahurissante où il part se fournir des armes.). Mais pas dans l'espoir d'un rétablissement de l'ordre du monde, juste pour pouvoir crever en paix, seul mais tranquillement. Le pseudo happy end et les images d'Epinal l'accompagnant, aux allures de réchauffées, ne changent pour moi en rien cela.

Gros changement donc que ce sentiment de pessimisme total que dégage le film. Il n'y a plus rien à sauvé. Il n'y a plus qu'à apprendre à mourir. Ce qu'avait parfaitement compris le héros de Gran Torino qui jouait, soit dit en passant, sur la paranoia de ses ennemis pour entrainer sa mort. Ultime renversement, ce n'était plus le héros qui était sujet à la paranoia démentielle (Paul Kinsley, Travis Bickle) mais ses adversaires.

Pour Caine/ Brown la vengeance prime et justifie ses actes. Il possède une cause contrairement à ceux qu'il affronte: « eux font ca pour le plaisir. » dit il. Mais à la fin tout semble se mélanger, se confondre dans une explosion générale et surréaliste de violence aux allures de fin du monde (qu'on se remémore la crise des banlieues pas si éloigné de nous).

Harry Brown ne peut alors plus, ne doit alors plus être perçu comme le garant ultime de la morale et de la justice, son dernier rempart (soit Harry Callahan), il est seulement et tristement l'ultime preuve qu'il n'y a plus ni morale, ni justice.

Pierre Andrieux

jeudi 13 janvier 2011

Green Hornet : Buddy Heroes


Publié par Thomas K.

"Les lois sont semblables aux toiles d'araignées, qui attrapent les petites mouches, mais laissent passer guêpes et frelons". Jonathan Swift.

Le Frelon Vert était à la base une série télévisée inspirée d'une histoire radiophonique. Cette série est devenue culte car elle mettait en scène, et pour la première fois aux Etats-Unis, Bruce Lee.

Britt Reid, fils paresseux et bon à rien d'un richissime magnat de la presse, succède à son père à la tête du journal. Mais il découvre un moyen plus stimulant de passer ses journées et soirées : revêtir le costume du Green Hornet, le frelon vert, accompagné de son fidèle ami Kato, inventeur de génie et maître des arts martiaux. Ils font régner la justice et la terreur à bord de leur voiture multifonction, la black beauty.

La figure du héros est ambigüe ici. Le héros n'a pas de réel motif, pas de réelles valeurs. En fait, le green hornet fait ça pour s'éclater. Pour se sentir vivant. Cela ne lui pose pas de problèmes que toute la ville le voit comme un méchant. Là où Britt Reid se démarque des héros conventionnels, c'est qu'il devient un super-héros pour faire comme les super-héros qu'il a vu dans les films. Il le fait parce qu'il trouve ça cool. Pas vraiment un super-héros en fait.
Britt Reid est une instance égale à celle du spectateur : il a les mêmes références cinématographiques (Indiana Jones, Twilight), il connaît les mêmes codes. La tentative du personnage de se plier à ces codes est en fait une bonne façon de les détourner. Cela donne lieu à une écriture très contemporaine, proche de la sitcom, avec des punch lines, des gags, des références, et une sorte de lose attitude dans le "tenter de faire comme". Et ça marche bien. Le film est franchement drôle, merci à l'interprétation très personnelle et hilarante de Seth Rogen.

Gondry aime les gadgets, les bidules, les trucs fabriqués ; rappelez-vous Be Kind Rewind. Ici il s'en donne à coeur joie en esthétisant à fond les scènes avec la voiture qui intègre des lance-missiles, lance-flammes, pneus piégés, etc...les scènes d'action vont à 100 à l'heure et sont très jusqu'au-boutistes, quand y'en a plus y'en a encore. D'où un certain manque de rythme parfois, surtout dans la dernière demi-heure qui traîne un peu en longueur. Trop d'action tue l'action, et une fois qu'on a saisit le principe de détournement du genre et de l'excès dans l'image, on s'habitue et une certaine langueur s'installe. Le film aurait gagné à écourter certaines scène (le combat entre Kato et Britt est très long), et à se renouveler sur la fin. Si la première heure nous porte de sourires en surprises, la fin laisse un goût de "on avait vu tout ça venir" dans la bouche.

Le film ingère de manière assez réussie l'esthétique vidéoludique, de plus en plus présente, lors des scènes de combat au ralenti. La visualisation de Kato des gestes à effectuer, avec la coloration des points d'attaques en rouge, rappelle certains systèmes de "lock" qu'on trouve dans les jeux vidéos, il n'y à qu'à voir le dernier Splinter Cell par exemple.

La relation entre Britt et Kato rappellerait presque un buddy movie, appuyé par le côté loser de Seth Rogen. Deux potes lancés dans un gros délire, lequel les dépasse ; ils seront obligés de faire appelle à Cameron Diaz qui à son insu leur indiquera le chemin à suivre. Parce que eux n'ont pas de plan, pas d'idéaux, juste une vie qui les emmerde et qu'ils ont envie de secouer un peu. Voir la scène géniale où, pour leur première virée en black beauty, ils se mettent à chanter par-dessus un rap, à fond dans leur cool attitude.

Christoph Waltz ne trouve malheureusement pas un rôle à sa mesure, et si le méchant à le mérite d'être drôle, il ne marquera pas l'histoire du cinéma. Dur de passer après le Hans Landa de Inglourious Basterds.

Green Hornet, c'est donc :

- Beaucoup de lignes de dialogues et de scènes très drôle, avec un héros loser bon à rien qui s'improvise une double identité parce que c'est trop cool.

- Des scènes de combat super stylisées, avec usage du ralenti et esthétique du jeux vidéo.

- Des longueurs sur la fin, des scènes pas forcément efficace au niveau de la dramaturgie.

- Un déluge visuel, des gadgets à gogo, des débris, des fracas.

- Une bonne utilisation du détournement des codes du genre.

Pour conclure, disons que Green Hornet mérite d'être vu, au moins parce qu'il est unique en tant que film de super-héros. La patte poétique de Gondry est un peu laissée de côté au profit de l'excès dans l'image (excès des effets visuels et dramaturgiques), et c'est peut-être ce qui finit par manquer un peu au film, une fois l'originalité de son traitement assimilé.

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Thomas K.

mardi 11 janvier 2011

Citation


Publié par Thomas K.

A la lecture d'un ouvrage théorique, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement entre la citation que je vais vous donner et l'oeuvre filmique que constituent les Harry Potter. Ces films, souvent décevants sur de nombreux points, semblent être une succession de scènes détachées les unes des autres, comme des images illustrant une histoire palpable mais jamais atteignable en tant qu'histoire ressentie et partagée. Comme si nous étions déjà censés connaître cette histoire. Une impression de superposition étreint alors le spectateur. Il suit le fil d'une histoire décousue. Comment expliquer ce phénomène ? Bon, sûrement par plein de moyens différents, on va pas se mentir, mais attardez-vous donc un peu sur cette citation...

Les images des films littéraires de ce genre ont, même avec la meilleure régie et le meilleur jeu, quelque chose d'inerte et de décousu, parce qu'il leur manque la continuité visuelle. Un récit pensé en mots, en effet, passera par-dessus de nombreux moments que l'image, elle, ne peut pas éviter. Le mot, l'idée, la pensée sont intemporels. L'image, elle, a une présence concrète et ne vit qu'en celle-ci. Dans les mots il y a du souvenir, avec eux on peut y faire allusion, renvoyer à de l'inactuel. L'image, elle, parle par elle seule. C'est pourquoi le film requiert, surtout quand il saisit les évolutions psychiques, une continuité sans faille dans la représentation visuelle des moments successifs. Il doit se constituer à partir du matériau sans mélange de la pure visualité. En effet, toute transition de nature littéraire est aussitôt ressentie comme un espace irrespirable et froid.

Béla Balàzs, Esquisse d'une dramaturgie du cinéma.


Il me semble que c'est bien cette notion de continuité visuelle qui manque aux adaptations cinématographiques des aventures du jeune sorcier. Le travail de la continuité des images doit renvoyer seulement à sa propre continuité et non à celle d'une oeuvre extérieure à l'image, ici le livre. Les transitions entre les scènes ne doivent pas être pensées comme la reproduction la plus fidèle des transitions effectuées par le livre, mais doivent être d'essence cinématographique et non pas un décalcomanie d'une histoire qui existe déjà. Cela n'empêche pas que le film peut être parfaitement fidèle à l'histoire, mais c'est au niveau de la mise en scène et de la visualisation des résonances de sens et de sentiments entre les images que se joue l'impression de cohérence visuelle et sensitive. Un film doit être pensé comme un film, en tant que pure visualité.

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Thomas K.

lundi 10 janvier 2011

Tron : Legacy


Clu: End of Line, man.


Tron revient. 29 ans après un premier opus considéré par beaucoup comme une œuvre pionnière, avant gardiste et forcement culte, le studio Disney met le bouchées doubles pour nous offrir un film à la pointe de la technologie informatique.
Comme ce fut le cas en 1982, Tron se devait de faire date à nouveau en matière de technologie et de design cinématographique. Par ailleurs, le défi est de fidéliser dans un même mouvement un public large avec une histoire qui, dans le fond, trouve naturellement sa place dans un cinéma hollywoodien qui travaille depuis quelques temps déjà les jeux de basculement entre les mondes, les réalités alternatives, en vue d'interroger le réel (Avatar 2009, Inception, Shutter Island ou encore Raiponce 2010 hérite finalement du leg du Magicien d'Oz 1939).

Convié à la projection presse, j"ai pu voir le film un mois à l'avance et dans les meilleurs conditions possibles (écran Imax 3D et qualités sonores optimales du Pathé Quai d'Ivry), le minimum requis pour une œuvre qui se regarde et s'écoute...au maximum.
Tron : Legacy a pour ambition de nous faire découvrir un monde numérique crée de toutes pièces par un homme (Kevin Flynn) jouant les dieux créateurs et pervertit par les imperfections de sa propre humanité, transformant alors son Eden en un enfer manichéen. Un dualisme qui oppose la perfection numérique aux failles humaines de manière classique mais surtout obscure voir illisible.
La rédemption viendra du fils (Sam Flynn) qui plongera à son tour dans le monde du père. Il sera notre référent, un guide un peu froid et triste pour un film sombre et impressionnant mais pourtant orphelin d'un regard de cinéaste inspiré.

Tron est avant tout une magistrale performance technique et artistique, tant au niveau du design sonore que de la composition picturale. Cohérence et élégance sont ici les maitres mots pour traduire toute la beauté des courbes du décors. Une beauté froide qui structurent les costumes, vaisseaux et bâtiments. Le tout fascine l'œil et grâce à une profondeur de champ démultipliée par la technologie Imax, l'ampleur physique de la Grille (The Greed) s'étend en des lignes infinies.
Moins abstrait que dans le premier opus, dont Tron : Legacy est clairement un remake autant qu'une suite, l'esthétique du film, entre symétrie autoritaires et pureté des courbes, opère d'une fusion entre les deux dominantes picturales des Trilogies Star Wars tout en se détachement nettement de son modèle par une palette de couleurs épurées à l'extrême.
la beauté plastique de Tron est de loin la plus grande réussite du film et tient toutes ses promesses, appuyé par un design sonore immersif et tonitruant. La musique des Daft Punk s'y mêle subtilité et affirmation, enrichissant totalement l'univers du film d'une dimension épique et dramatique bienvenue. Dans notre article sur la bande originale de Tron : Legacy (Décembre 2010) nous rappelions que la musique de film restait indissociable des images, sous peine de perdre de sa puissance. Dans le cas de Tron, c'est malheureusement les images qui ont grandement besoin de cet accompagnement narratif de par sa capacité à rehausser considérablement la dimension dramatique du film.

Car ce qui manque à Tron : Legacy, c'est, on l'a dit, un regard de cinéaste, un réalisateur capable d'investir le spectateur dans ce monde qui ne demande qu'a être exploré et compris plutôt que superficiellement survolé. Kosinski est à coup sûr un excellent plasticien à défaut d'être un conteur d'histoires. Non seulement la narration manque sérieusement de dynamisme et pèche par des dialogues convenus, mais surtout, le découpage des scènes d'action est trop souvent formaté et laisse le spectateur sur son siège plutôt que de l'embarquer avec lui.
Les plus belles idées du film sont alors concentrés dans la superbe séquence des jeux de stades où le rendu visuelle des décors, à la limite de l'abstraction (incroyable mécanisme des cages modulables) combiné à une mise en scène qui abolit les lois de la gravité nous entraine avec fureur dans un déluge de lumière et d'infra-basses. De même pour la séquence des cycles qui suit presque immédiatement le combat de disques. L'action y est épurée au point de ne devenir que lignes, trajectoires et enchevêtrement de formes abstraites. On notera également un beau sursaut final accompagné même d'un peu de poésie en guise de dernier plan que vous jugerez par vous même.

Pour le reste, le découpage est le plus souvent décevant sans être non plus catastrophique. La frustration vient du fait que tout semblait réunit pour faire un grand film. Ce fameux découpage empêche surtout l'immersion physique heureusement compensée par l'architecture musicale et sonore ainsi que les effets stéréoscopiques (3D exemplaire).
L'une des plus belles séquences reste alors ce plan d'introduction majestueux qui nous fait raser les building en décadrage vertical avant de dévoiler par un effet de surgissement le titre du film adossé au dos d'une tour de verre. Vitesse, profondeur, vibrations. Tout était pourtant là !
Il n'est reste pas moins un film à voir et surtout à voir en salle, car Tron : Legacy n'a pas été pensé pour autre chose que pour un écran de cinéma.

dimanche 9 janvier 2011

Somewhere de Sofia Coppola: "Ghost Towns, Ghost people"





Sofia Coppola aime les hôtels. Lieux du passage, lieux des rencontres aussi (Lost in Translation). Surtout lieu propice à filmer la solitude de l'individu, son manque, quel qu'il soit, mis en avant par la passivité qu'entraine la vie à l'hôtel (on vous fait votre bouffe, on vous fait votre ménage, votre vaisselle, les contraintes de la vie matérielle tendent à se résorber, bref vous êtes, à priori, peinard. Beaucoup de temps libre, ce qui est un problème quand on ne sait précisément pas quoi faire.).

Tel est la vie de Johnny Marco, héros-star du dernier film de la cinéaste, résident, pour une durée indéterminée, du célébrissime hôtel Château Marmont sur le non moins célèbre Sunset Boulevard à West Hollywood. Domaine privilégié des stars, de leurs excès et de leurs fêtes (John Belushi y trouva la mort d'une overdose, Jim Morrison y chuta d'une fenêtre j'en passe et des meilleurs...).

Qu'on se le dise tout de suite, strass et paillettes sont quasi-absents du film. Ce qui intéresse Coppola on le sent bien, c'est l'intime, le quotidien et sa banalité: tous ses jolies thèmes clichés du film d'auteur qui viennent percuter la notion de célébrité, de star (Marie Antoinette suivait le même principe). Pas de glamour, on rejette bien loin Hollywood, son image, sa plastique irréprochable nous cachant le monde tel qu'il est. On va déconstruire les mythes. Le sexe, le désir sont machinique, on baise parce qu'il n'y a semble t'il rien de mieux à faire. L'hôtel si ce n'était pas le château Marmont nous apparaitrait à la limite du Motel un brin crasseux. Espace où tout les corps se ressemblent, où on ne peut pas communiquer (Voir la scène drolatique dans un ascenseur avec l'apparition de Benicio Del Toro).

Cette plongée dans l'intimité d'une célébrité a toujours quelque chose de stimulant pour le spectateur: « on va découvrir la vie de ces types fascinant qui possède tout ce qu'on peut rêver d'avoir dans notre société de consommation »: l'argent et tout ce qui va avec, le temps de faire ce qu'on veut, les voyages, la gloire d'être reconnu un peu partout etc... L'ennui c'est qu'il y'a un problème. Johnny se contente de vivre, il est las, fatigué, il n'a plus goût à la vie, bref il est malheureux (mais la cinéaste évite le cliché people: « La Star en Dépression! » et traite cela avec une subtilité et une douceur remarquable).

Johnny est un acteur, l'équivalent -on pense- d'un Tom Cruise, dans la vie il est un cliché vivant pour la population. Dans ses films (qui ont plutôt l'air d'être des blockbusters) son activité est hors norme. L'acteur hollywoodien, type Johnny Marco, ne cesse d'agir, jamais spectateur des évènements, toujours entrainé au sein de ceux ci (bon gré, mal gré) il sue (quoique...), dépense et grille son énergie pour rétablir l'équilibre. Son statut au sein du monde est assuré.

Dans la vie pour Johnny c'est l'inverse. Son statut d'acteur, de super héros, de mythe semble avoir aspiré son âme et l'a laissé fatigué, prêt même à dormir aux moments les plus stimulants. Johnny est dans la vie un grand passif, en marge de la société là où, dans ses films, il en est la figure centrale. Bref Johnny plus que d'être acteur est surtout spectateur de la vie et du monde. Coppola insiste sur ce renversement en nous montrant à maintes reprises, et cela dés le début avec la séquence de la danse « sexy » et un peu pitoyable des deux jumelles, que Johnny est en position de spectateur assistant un brin désenchanté aux actes des autres. Et les rares fois où il est actif dans les trois quart du film, il ne l'est que virtuellement (la partie de Guitar Hero sur So Lonely de Police... (quelle chanson cela aurait il pu être d'autre?)).


La grande question du film c'est celle qu'on pose au héros lors d'une conférence de presse: « Qui est Johnny Marco? ». Réponse: un grand silence, puis cut et changement de séquence.

Johnny ne le sait pas lui même. Il n'est qu'une coquille vide. Il n'est pour le monde qu'un corps (d'où la superbe scène symboliquement très forte du moulage de son visage.). On tend à lui arracher toute sa personnalité, son âme, pour le faire correspondre à l' enveloppe corporelle belle et lisse que l'on voudrait qu'il soit. Quand on a pas besoin de lui, eh bien il est libre de croupir dans son hôtel, de se saouler et de copuler, peu importe tant qu'il est bien souriant pour les photos.

J'en viens alors à l'importance de la voiture dans le film. Johnny possède une superbe voiture de sport (ca et ses lunettes noires sont tous ce qui pourrait indiquer au départ la star chez lui).Lors de la première séquence du film nous avons un long, très long plan fixe sur un espace désertique quelconque. Le silence du désert est brouillé par cette voiture de sport passant dans le champs, le quittant, puis y repassant cela plusieurs fois de suite.

Je me répète d'une critique à l'autre mais je souligne encore une fois l'importance d'une première séquence dans un film réussi. Pourquoi commencer son film comme cela? Coppola étire le temps, frustre le spectateur qui ne comprend pas vraiment: « c'est quoi ce début, cette voiture, cet endroit, c'est pas bientôt fini le délire? ». Cette séquence n'est aucunement reliable à la suivante. Elle vaut d'abord pour elle même. Elle est indépendante, sans lien narratif avec le reste du film. Son importance est donc d'autant plus forte.

Mise à part le fait qu'elle nous livre ici les motifs de son film (étirement du temps, banalité du quotidien, tendance à vider, épurer le cadre) Coppola nous donne à voir tout le problème dont il sera question pour Johnny. Il tourne en rond, épuise son énergie dans le vide et l'inutilité. J'ai souligné son rôle passif plus haut. La voiture conforte cette idée d'une activité passive. Pas d'effort physique, la voiture fait tout. Idée de la vitesse, de la présence fantomatique oscillant entre apparition et disparition du champs, contrastant avec la lenteur et la fixité du plan. Johnny n'est qu'un fantôme, un simulacre, un hologramme, associé avant tout à cette voiture de sport sans laquelle il ne semble pouvoir rien faire (quand il tombe en panne avec sa fille il conclue la séquence par un « Et maintenant» lourd de sens.).

Voiture de sport censée en dire plus sur le statut sociétal de Johnny que Johnny lui même. Johnny a perdu son âme et par conséquent le goût de la vie. Il tend maintenant symboliquement à disparaître complètement du champs, à être aspiré petit à petit, tranquillement, inéluctablement par le hors champs et cela ne semble pas le déranger: c'est ce plan superbe où, allongé sur un matelas dans une piscine de l'hôtel, Johnny dérive et et se fait avaler par le hors champs, c'est aussi dés le début du film sa chute dans l'escalier. Johnny risque de disparaître complètement, de chuter pour de bon.

Il lui faudra réassurer sa présence dans le cadre et par là même se réaffirmer, se libérer (enlever symboliquement ce plâtre qu'il possède à son bras), reprendre goût à la vie, cela par le biais de sa fille encore active (on insiste sur le fait qu'elle fait la cuisine). D'où le long dézoom sur les deux personnages affalés sur les transats de l'hôtel; Coppola réinstalle Johnny au centre du cadre, de l'espace, le monde peut respirer autour de lui. Il commence à s'y ouvrir là ou tout n'était que fermeture auparavant (zoom plutôt que dézoom et absence de contre champs).

Il faudra quitter le « nowhere » qu'est l'hôtel et trouver ce fameux « somewhere » du titre. Un quelque part, peu importe où, ou il sera possible d'exister. Et au spectateur alors de juger tout le trajet parcouru par Johnny en comparant cette première séquence évoqué ci dessus et la dernière reprenant les mêmes motifs pour les modifier: la voiture, le désert, la dépense d'énergie.

Magnifique fin, clôturant un petit bijou de cinéma où chaque plan, chaque séquence, chaque mouvement de caméra souligne et renforce la cohérence du propos.

Pierre Andrieux