Cet article vient principalement compléter la critique ''Sucker Punch partie 1 : Spendeur Vidéoludique". Je vous invite fortement à la lire avant de le consulter, et surtout à avoir déjà vu le film !
Publié par Thomas K.
"You got all the weapons you need. Now, FIGHT !"
Publié par Thomas K.
"You got all the weapons you need. Now, FIGHT !"
Mais que voit-on dans Sucker Punch ? Une jeune fille sur le point de se faire lobotomiser (destin partagé avec le Andrew Laeddis de Shutter Island) s'évade dans un monde imaginaire où sont redistribués les éléments de la réalité. Dans ce monde-simulacre, cette même jeune fille, ou plutôt la projection fantasmatique d'elle-même, parvient à effectuer une danse de l'ordre de la sidération lorsqu'elle s'évade dans son monde imaginaire. Un monde imaginaire dans le monde imaginaire, en somme. On assiste à la dénivellation des mondes fantasmatiques, on s'enfonce dans l'esprit, dans le rêve de cette jeune fille nommée par sa propre instance créatrice de fantasme Baby Doll. Mais est-ce vraiment ce dont parle le film ?
1. Créer l'identité
Ma précédente critique sur le film établissait un rapport entre l'univers de Sucker Punch et celui d'Alice au pays des Merveilles. Dans Alice, le personnage subit une perte d'identité, nominative et corporelle. Le monde-simulacre du club/bordel de Sucker Punch doit créer l'identité qui manque. Le chemin est inverse : c'est dans le monde du rêve que se trouve la clé de ce que l'on est. Si l'on part du principe que le monde du bordel est une création de l'esprit de Baby, alors c'est elle-même qui se nomme.
Elle se donne un nom, se façonne, se pétrie, elle est son propre Pygmalion. Elle acquiert dans le monde du rêve la parole, qui lui est refusée dans la réalité, et une personnalité de leader. Comme Alice, le monde du rêve tend à la sexualiser. Les deux gamines blondes sont manipulées par les personnages qui peuplent leurs rêves, manipulations psychologiques et physiques. Baby Doll porte bien son nom : Doll, la poupée, celle avec qui on joue, qu'on manipule, qui est en notre pouvoir. Mais qui détient véritablement le pouvoir sur Baby ? La jeune fille blonde sur le point de se faire lobotomiser dont Baby serait le produit fantasmatique comme le rappellent des allusions au lapin d'Alice (la musique de la première guerre mondiale est White Rabbit, un des porte-clés qui pend à la crosse du pistolet de Baby, le seul porte-clé reconnaissable d'ailleurs, est la même tête de lapin que celle qu'on retrouve sur le mécha d'Amber), ou...quelqu'un d'autre ?...
2. Révélations : tout est déjà fini
Mesdames et Messieurs, tout se joue dans les premiers mots prononcés dans le film. Bingo, c'est une voix off. Vous aviez sûrement cru que cette voix fantôme appartenait à Baby. Écoutez bien. C'est celle de Sweet Pea. Ta Dam ! Et que nous dit-elle ? Que les anges gardiens apparaissent dans des endroits étranges, qu'ils peuvent revêtir des formes diverses, comme une fillette ou un vieillard...Une première ré-évaluation interprétative serait donc que Baby est à mettre sur le même statut d'existence que le Wiseman qui guide les filles dans les scènes d'action. Un ange gardien (la figure du gardien protecteur parcoure plus ou moins ironiquement la filmographie de Snyder) créé de toute pièce par une opération de l'esprit.
Reprenons donc au début. La scène d'introduction du film, mise en scène sur la musique Sweet Dreams (un premier indice) est entièrement muette. Le tout premier plan place l'action de ce début de film sur une scène de théâtre, similaire à celle que l'on retrouve dans le "Theater" de l'asile. En fait, le début est déjà une réappropriation d'une réalité que nous n'avons jamais vue. Les films où toute la monstration est un simulacre sont rares.
Un des films parangons du genre est Lost Highway de David Lynch. Les films se rejoignent dans le fait que leur récit commence en retard, trop tard, lorsque tout s'est déjà terminé, mais que nous n'avons jamais vu l'histoire originelle, la réalité. Nous sommes plongés dans un univers de fantasmes et de re-création du réel qui fatalement rejoindra le déroulement des évènements qui se sont produits en amont même du récit. La scène de jointure charnière qui lie de manière maniériste les deux films à travers l'exercice de la citation advient lorsque Baby Doll dit à Blue les exactes mêmes mots qu'Alice dit à Pete dans Lost Highway : "you'll never have me".
Snyder s'attache donc à travailler la déréalisation de tout le début du film à travers l'usage du ralenti, mais aussi un premier passage Carrollien de l'autre côté du miroir : ici, le miroir, c'est l'œil qui regarde à travers le trou de la serrure (figure emblématique d'Alice) et qui reflète ce que voit Baby. Un plan fou nous fait entrer dans cet l'œil. Ce premier engouffrement dans la figure du miroir est prémonitoire de celles qui suivront dans le monde-simulacre du bordel. Mais il semble sclérosé maintenant de parler du bordel comme du monde-simulacre. Dans Sucker Punch, tout est déjà joué, tout est déjà foutu, le récit rejoue des évènements qu'on ne nous a pas donné à voir.
3. Sweet Pea's dream
Mais quel évènement ? Celui qui déclenche l'intrigue : la mort de la sœur (Pierre Andrieux remarque d'ailleurs à ce sujet que tous les films de Snyder débutent par l'explosion de la cellule familiale). Baby et Sweet Pea ont ça en commun. Le film ne montrerait pas le rêve de Baby mais celui de Sweet Pea. Elle serait le véritable personnage source. Il est d'ailleurs intéressant de savoir que Snyder avoue avoir construit tout son casting autour d'Abbie Cornish qui campe Sweet Pea. De nombreuses références et de nombreux indices hantent subtilement le film pour progressivement diriger nos investigations vers cette interprétation.
La voix off est un élément discret mais important. Elle encadre le film, elle surgit au début et revient à la fin. Elle convoque la figure de l'ange gardien, et lui attribue le rôle de celui qui doit pousser à combattre. N'est-ce pas la caractéristique majeure du personnage de Baby que d'inciter les autres filles à établir un plan d'évasion ? Contre cette instinct de vie, de survie, Sweet Pea, celle qui prône l'immobilisme, la non-tentative. Comme le fait remarquer Pierre dans la troisième partie de notre approche du film de Snyder, l'immobilisme est une figure de la mort, et Baby est celle qui met en mouvement, qui soulève les pulsions de vie, et vivre chez Snyder, c'est combattre. Pour rebondir sur les questions que pose la voix off finale, ce qui apparaît comme étant une motivation tierce (Sweet Pea motivée par Baby) est en fait une motivation immanente, intérieure. "Qui vous donne la force de combattre ? Qui jette sur vous des hordes de démons ? C'est vous-même". Baby est l'incarnation physique du désir de vivre, de se battre, et dans Sucker Punch ce que l'on combat c'est le réel.
La figure de Sweet Pea est donc rendue ambigüe par une série de petits détails qui viennent appuyer sa position de personnage source : Madame Gorski lui demande "are you with us, where are you right now ?" alors qu'elle vient de finir une danse (que nous n'avons pas vu ; la danse, celle de Sweet Pea et celle de Baby, est la donnée essentielle au récit qui ne nous est pas montrée, renvoyant par là-même à cette histoire originelle qu'on a remplacée, qui a dérivé vers les mondes fantasmes qui composent la monstration). En effet, où est Sweet Pea ? Partout et nulle part, instance créatrice à l'origine de tous les récits simulacres, mais insituable dans une réalité que nous n'avons jamais vu.
Le corps de Baby sur la chaise de la lobotomie est relayé lors du passage au monde du club/bordel par celui de Sweet Pea qui porte une perruque analogue à sa chevelure (blondeur vénitienne et nattes). Cette interchangeabilité des corps est presque un aveu : Baby et Sweet Pea ne font qu'un. Ou plutôt, Baby est Sweet Pea (et pas l'inverse). Sweet Pea est souvent citée comme la figure du centre : danseuse principale du spectacle de madame Gorski, phrase finale de Baby Doll : "ça a toujours été ton histoire".
Baby vient remplacer Sweet Pea dans le spectacle de danse, elle devient le centre d'attention, reléguant Sweet Pea au second rang. Sweet Pea vient remplacer Baby dans la résolution de la narration simulacre du bordel. Baby en devient une figure intermédiaire, une figure du passeur qui vient prendre le relais de Sweet Pea pour la conduire jusqu'à une finalité, celle de l'évasion ; double évasion : évasion du monde du bordel donc du monde du simulacre (retour au monde de l'asile).
L'évasion est même triple : évasion du monde de l'hôpital avec l'encagement final dans un monde fantasmatique par la lobotomie (voir la partie 1 sur Sucker Punch et l'hypothèse de la dernière scène comme un ultime fantasme). Et en même temps, l'évasion est nulle, puisque tous les mondes montrés sont des simulacres. On s'échappe d'un rêve pour en rejoindre un autre. L'évasion est à la fois multiple et impossible. Mais s'évader, c'est fuir. Que fuit-on dans Sucker Punch ? Peut-être la culpabilité de la mort de la sœur.
Pour apporter un contrepoint à cette interprétation de la culpabilité impossible à fuir (elle pointe son nez dans tous les mondes simulacres : mort de Rocket dans le train futuriste et dans la cuisine, mort de la sœur dans la scène du début), repensons à la scène finale, l'évasion de Sweet Pea. Sa trajectoire semble porteuse d'espoir. Sa robe blanche immaculée, le coucher de soleil, la figure bienveillante du vieillard ange gardien, figure du passeur (rappelons que nous en sommes à considérer que Baby et le vieillard sont des figures équivalentes) qui conduit Sweet Pea vers un ailleurs paradisiaque ; tous ces éléments permettent de croire que la culpabilité a été endiguée, qu'il y a eu acceptation, délivrance. Le médecin le dit à la psychiatre après avoir lobotomisé la jeune fille : "on aurait dit qu'elle le désirait". Et le mot "paradise" revient à plusieurs reprises, en référence à la lobotomie, dans la bouche de l'infirmier corrompu ("in five days she'll be in paradise", "you're in paradise now ?"), et lorsque Sweet Pea répond ironiquement à Baby, à propos de sa tentative d'évasion, "send me a postcard from heaven".
Le film tout entier est donc le théâtre où se rejouent les tragédies d'une histoire originelle que nous n'avons jamais vue. Lorsque Baby arrive dans le "Theater" de l'asile (je me répète, mais je rappelle que l'infirmier corrompu qui devient le personnage Blue dans le monde du bordel dit textuellement que c'est le lieu où sont rejouées les évènements traumatisants qui ont conduit les filles dans cet asile) Sweet Pea est sur la scène, et Gorsky la psychiatre lui dit : "c'est ton monde, c'est toi qui le contrôle".
Dans le monde du bordel, les filles discutent de l'évasion, dans le dortoir, et il est dit que trois filles ont déjà tenté de s'évader, et qu'elles sont mortes. Si l'on fait attention, le tableau sur lequel est écrit le nom des danseuses comporte des dessins d'aiguilles de lobotomie à côté des noms de Sweet Pea, Blondie et Amber, mais pas de Rocket. C'est qu'elles ont été lobotomisées dans l'histoire originelle qui n'a pas été montrée, et Blondie et Amber meurent dans le récit simulacre du monde du bordel.
Cette discussion sur ces trois filles décédées qui correspondent aux trois personnages cités est à la fois prémonitoire et son contraire, elle renvoie à ce qui s'est déjà passé et en même temps condamne les trois filles sur ce qu'il va se passer. Tout le film serait alors la fantaisie d'après-lobotomisation de Sweet Pea (lobotomie qui se produit donc avant que le film ne commence). Et Rocket, la soeur, n'a pas été lobotomisée, elle est morte en-dehors de l'asile (mort qui a conduit à l'internement de Sweet Pea), il est donc logique qu'aucune aiguille ne soit dessinée à côté de son nom. Mais qui a dit que le film de Snyder était simpliste ?
4. La projection du double, le corps schizophrénique
Repartons donc de zéro.
Tout se joue dans le regard que Baby porte à Sweet Pea lorsque cette dernière se trouve sur la scène du Theater de l'asile, au début du film. Le gros plan sur le visage de Baby traduit une focalisation, quelque chose de l'ordre de la sidération, qui paralyse et isole la jeune fille du reste des protagonistes. Une sidération en somme similaire à celle que produit Baby lorsqu'elle danse dans le monde du bordel. Cette sidération origine de Baby pour Sweet Pea est redistribuée et rejouée dans le monde du bordel pour devenir la danse ; on est dans une fascination du corps.
C'est dans cette scène que se mettrait donc en place le mécanisme de projection du double. Par la puissance du regard induite par le gros plan focalisateur, Baby projette sa propre histoire sur le corps de Sweet Pea. Devenant une sorte de Pygmalion, Baby greffe sur Sweet Pea ses propres tourments et reconfigure l'identité de la jeune fille pour qu'elle devienne un corps similaire au sien (c'est le passage au monde du bordel avec la perruque de Sweet Pea), avec une histoire similaire à la sienne (la perte de la sœur). C'est donc moins Baby que Sweet Pea qui voit son identité être recréée par le passage au rêve.
Par une pure opération de l'esprit, créée par le regard, Baby fait de Sweet Pea son double. Elle transforme ce corps sidérant en corps-similaire. La représentation de Baby à l'intérieur du rêve est Sweet Pea. Baby fantasme le corps de Sweet Pea en greffant sur elle sa propre identité, via le média du rêve. Le double est arbitraire, il est le produit d'une identification.
J'écrivais dans ma première critique sur Sucker Punch que l'important n'était pas de se sauver soi-même mais de sauver l'autre. J'ajouterai maintenant que l'important est de sauver le double, l'autre soi, afin de créer une subsistance d'existence à travers une vie par procuration ("tu dois vivre pour nous toutes"). Si Baby transforme le corps de Sweet Pea en son double, c'est pour échapper à la mort : elle ne meurt pas complètement, son double vit pour elle.
Sucker punch est un film sur la perte : perte originelle de la sœur, perte des repères, perte de l'innocence . La redistribution de la lobotomie dans le monde du bordel correspond à la perte de la virginité de Baby avec le ''Higher Roller'', et il est facile de voir dans l'aiguille de lobotomie un symbole phallique et une métaphore de la pénétration lors de l'acte de lobotomisation. Mais peut-être que la perte principale est celle de l'intégrité du corps.
Un découpage vient appuyer cette idée, toujours dans cette scène décisive de l'arrivée au Theater de l'asile. La discussion entre le beau-père et l'infirmier corrompu sur la lobotomie et l'argent que le beau-père doit déverser se passe en arrière-plan, alors que Baby est en gros plan à l'avant-plan. Baby est coupée exactement au niveau de la moitié de son visage ; la partie droite de son visage laisse découvrir l'infirmier et la partie gauche le beau-père. Le visage de Baby est ainsi scindé en deux ; on a un montage qui vient remettre en cause l'intégrité de l'unité du corps, un montage schizophrénique.
A partir de cette division originelle on peut supposer que l'éclatement du corps se caractérise par la démultiplication schizophrénique des figures de la personnalité ; ou comment Amber, Blondie, Rocket et Sweet Pea ne sont que les incarnations de diverses facettes de l'identité de Baby. Encore une fois cette redistribution des figures naît de la focalisation par le regard lors de la scène au Theater : les seules visages de filles internées que l'on parvient vraiment à distinguer sont ceux des protagonistes du monde du bordel.
Pour appuyer cette idée de cinq corps qui n'en font qu'un, le film joue sur la chorégraphie des scènes d'action, avec des mouvements symétriques, relayés, coordonnés, à l'image de l'atterrissage dans la cour du donjon, lorsque Baby, Rocket et Sweet Pea parviennent au sol dans la même position, et qu'elles relèvent la tête en même temps, dans un mouvement qui paraît unique. Mais cette idée parcourt bien sûr toutes les scènes d'action (exceptée la première où Baby est seule) : coordination dans la scène de guerre, relais des corps dans celle du train...on pense à des films comme The Mission de Johnnie To, où les corps sont régis par un mécanisme du mouvement à l'unisson, et aussi à la série Charly et ses drôles de dames, où les trois filles forme une équipe qui s'apparente à une seule entité (le vieux Sage est alors évidemment la figure de Charly, l'homme mystérieux qui distribue les missions et les conseilles). La schizophrénie patente au film se retranscrit donc par la symbiose des corps.
5. Ouverture : un Rêve partagé ?
Au-delà de tout concept de schizophrénie, il y a la possibilité d'une inter-identification de Sweet Pea et Baby. Les deux jeunes filles partagent la même tragédie : la perte de la sœur. La similitude de leur culpabilité serait à l'origine de la création d'un rêve partagé, induit dans l'image par l'affiche dans la loge des danseuses du bordel sur laquelle est écrit : "My dream is yours", mon rêve est le tien, mon rêve est à toi. Le concept du rêve partagé traduit la création d'un espace de libération des pulsions, une sorte de purgatoire où se rejoignent les esprits torturés par des tourments analogues. Sweet Pea et Baby deviennent les deux facettes d'une même tristesse, d'un même sentiment de culpabilité. Le rêve partagé recréé le lien de sororité qu'elles ont perdu.
A la fin du film, la psychiatre Gorski énumère ce que la jeune fille qui vient d'être lobotomisée a accompli en une semaine. Mais Baby est censée être là depuis seulement cinq jours. La jeune fille présente depuis une semaine serait alors sûrement Sweet Pea, et on constate une interchangeabilité de son corps et de celui de Baby. Elle partage le même rêve, elle finisse par partager le même corps. Les tourments analogues créent des esprits analogues (analogie dans le rêve), et finalement des corps analogues. Cette exubérance identificatoire parachève la morale du film : sauver son propre corps revient à sauver celui de l'autre. Les figures de Sweet Pea et Baby sont confondues, complémentaires. Ce n'est plus de la schizophrénie, mais un lien d'émotion, un lien tissé dans la douleur de la perte, dans toutes les pertes qui fondent le film.
6. Final : l'hypothèse du frère
On pourrait voir dans la scène finale l'histoire source, les images origines qui manquent (merci à Mister Q. de m'avoir soufflé cette hypothèse). La fin serait en fait chronologiquement le début du film. Tout est alors à remanier : le rêve serait celui de Sweet Pea dans le bus, les protagonistes féminins deviendraient la démultiplication des facettes de sa personnalité à elle (et pas celle de Baby comme il était proposé plus haut), et le vieux conducteur qui l'a aidée devient ce Sage qui les guide lors des missions.
Mais quelle place alors pour ce gamin auquel Sweet Pea jette un regard en coin intriguant dans les tranchées de la scène de guerre, et qui revient dans la scène finale du bus, ce gamin que les filles viennent sauver avant qu'il ne meure au combat dans les tranchées, et qui accompagne Sweet Pea dans son échappée finale ? Ne serait-il pas le frère, redistribué dans les rêves par la figure de la sœur, ce frère disparu qu'on vient arracher à la mort dans la scène de guerre, comme une réparation par le rêve ? Si la fin est bien l'acceptation de Sweet Pea de la perte, on est dans un endroit de passage, et le bus devient la barque de Charon qui emmène les morts sur l'autre rive. Libérée de sa culpabilité, elle peut enfin monter dans cette barque avec son frère, et le rejoindre de l'autre côté....du miroir.
Woua, et ben elle était pas facile cette critique ! Sérieux, chapeau bas à ceux qui auront eu le respectable courage et l'infini gentillesse de la lire de bout en bout. Il pourrait sembler à certains que cet article s'amuse à décrire des choses compliquées où il n'y a pas lieu d'être, mais je pense que le film de Snyder nous invite à arpenter cette route vertigineuse, creusant un chemin de traverse sinueux dans les méandres de délires psycho-métaphysiques (rien que ça), à travers les images explosives qu'il nous donne à voir. Merci à tous.
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Thomas K.
1. Créer l'identité
Ma précédente critique sur le film établissait un rapport entre l'univers de Sucker Punch et celui d'Alice au pays des Merveilles. Dans Alice, le personnage subit une perte d'identité, nominative et corporelle. Le monde-simulacre du club/bordel de Sucker Punch doit créer l'identité qui manque. Le chemin est inverse : c'est dans le monde du rêve que se trouve la clé de ce que l'on est. Si l'on part du principe que le monde du bordel est une création de l'esprit de Baby, alors c'est elle-même qui se nomme.
Elle se donne un nom, se façonne, se pétrie, elle est son propre Pygmalion. Elle acquiert dans le monde du rêve la parole, qui lui est refusée dans la réalité, et une personnalité de leader. Comme Alice, le monde du rêve tend à la sexualiser. Les deux gamines blondes sont manipulées par les personnages qui peuplent leurs rêves, manipulations psychologiques et physiques. Baby Doll porte bien son nom : Doll, la poupée, celle avec qui on joue, qu'on manipule, qui est en notre pouvoir. Mais qui détient véritablement le pouvoir sur Baby ? La jeune fille blonde sur le point de se faire lobotomiser dont Baby serait le produit fantasmatique comme le rappellent des allusions au lapin d'Alice (la musique de la première guerre mondiale est White Rabbit, un des porte-clés qui pend à la crosse du pistolet de Baby, le seul porte-clé reconnaissable d'ailleurs, est la même tête de lapin que celle qu'on retrouve sur le mécha d'Amber), ou...quelqu'un d'autre ?...
2. Révélations : tout est déjà fini
Mesdames et Messieurs, tout se joue dans les premiers mots prononcés dans le film. Bingo, c'est une voix off. Vous aviez sûrement cru que cette voix fantôme appartenait à Baby. Écoutez bien. C'est celle de Sweet Pea. Ta Dam ! Et que nous dit-elle ? Que les anges gardiens apparaissent dans des endroits étranges, qu'ils peuvent revêtir des formes diverses, comme une fillette ou un vieillard...Une première ré-évaluation interprétative serait donc que Baby est à mettre sur le même statut d'existence que le Wiseman qui guide les filles dans les scènes d'action. Un ange gardien (la figure du gardien protecteur parcoure plus ou moins ironiquement la filmographie de Snyder) créé de toute pièce par une opération de l'esprit.
Reprenons donc au début. La scène d'introduction du film, mise en scène sur la musique Sweet Dreams (un premier indice) est entièrement muette. Le tout premier plan place l'action de ce début de film sur une scène de théâtre, similaire à celle que l'on retrouve dans le "Theater" de l'asile. En fait, le début est déjà une réappropriation d'une réalité que nous n'avons jamais vue. Les films où toute la monstration est un simulacre sont rares.
Un des films parangons du genre est Lost Highway de David Lynch. Les films se rejoignent dans le fait que leur récit commence en retard, trop tard, lorsque tout s'est déjà terminé, mais que nous n'avons jamais vu l'histoire originelle, la réalité. Nous sommes plongés dans un univers de fantasmes et de re-création du réel qui fatalement rejoindra le déroulement des évènements qui se sont produits en amont même du récit. La scène de jointure charnière qui lie de manière maniériste les deux films à travers l'exercice de la citation advient lorsque Baby Doll dit à Blue les exactes mêmes mots qu'Alice dit à Pete dans Lost Highway : "you'll never have me".
Snyder s'attache donc à travailler la déréalisation de tout le début du film à travers l'usage du ralenti, mais aussi un premier passage Carrollien de l'autre côté du miroir : ici, le miroir, c'est l'œil qui regarde à travers le trou de la serrure (figure emblématique d'Alice) et qui reflète ce que voit Baby. Un plan fou nous fait entrer dans cet l'œil. Ce premier engouffrement dans la figure du miroir est prémonitoire de celles qui suivront dans le monde-simulacre du bordel. Mais il semble sclérosé maintenant de parler du bordel comme du monde-simulacre. Dans Sucker Punch, tout est déjà joué, tout est déjà foutu, le récit rejoue des évènements qu'on ne nous a pas donné à voir.
3. Sweet Pea's dream
Mais quel évènement ? Celui qui déclenche l'intrigue : la mort de la sœur (Pierre Andrieux remarque d'ailleurs à ce sujet que tous les films de Snyder débutent par l'explosion de la cellule familiale). Baby et Sweet Pea ont ça en commun. Le film ne montrerait pas le rêve de Baby mais celui de Sweet Pea. Elle serait le véritable personnage source. Il est d'ailleurs intéressant de savoir que Snyder avoue avoir construit tout son casting autour d'Abbie Cornish qui campe Sweet Pea. De nombreuses références et de nombreux indices hantent subtilement le film pour progressivement diriger nos investigations vers cette interprétation.
La voix off est un élément discret mais important. Elle encadre le film, elle surgit au début et revient à la fin. Elle convoque la figure de l'ange gardien, et lui attribue le rôle de celui qui doit pousser à combattre. N'est-ce pas la caractéristique majeure du personnage de Baby que d'inciter les autres filles à établir un plan d'évasion ? Contre cette instinct de vie, de survie, Sweet Pea, celle qui prône l'immobilisme, la non-tentative. Comme le fait remarquer Pierre dans la troisième partie de notre approche du film de Snyder, l'immobilisme est une figure de la mort, et Baby est celle qui met en mouvement, qui soulève les pulsions de vie, et vivre chez Snyder, c'est combattre. Pour rebondir sur les questions que pose la voix off finale, ce qui apparaît comme étant une motivation tierce (Sweet Pea motivée par Baby) est en fait une motivation immanente, intérieure. "Qui vous donne la force de combattre ? Qui jette sur vous des hordes de démons ? C'est vous-même". Baby est l'incarnation physique du désir de vivre, de se battre, et dans Sucker Punch ce que l'on combat c'est le réel.
La figure de Sweet Pea est donc rendue ambigüe par une série de petits détails qui viennent appuyer sa position de personnage source : Madame Gorski lui demande "are you with us, where are you right now ?" alors qu'elle vient de finir une danse (que nous n'avons pas vu ; la danse, celle de Sweet Pea et celle de Baby, est la donnée essentielle au récit qui ne nous est pas montrée, renvoyant par là-même à cette histoire originelle qu'on a remplacée, qui a dérivé vers les mondes fantasmes qui composent la monstration). En effet, où est Sweet Pea ? Partout et nulle part, instance créatrice à l'origine de tous les récits simulacres, mais insituable dans une réalité que nous n'avons jamais vu.
Le corps de Baby sur la chaise de la lobotomie est relayé lors du passage au monde du club/bordel par celui de Sweet Pea qui porte une perruque analogue à sa chevelure (blondeur vénitienne et nattes). Cette interchangeabilité des corps est presque un aveu : Baby et Sweet Pea ne font qu'un. Ou plutôt, Baby est Sweet Pea (et pas l'inverse). Sweet Pea est souvent citée comme la figure du centre : danseuse principale du spectacle de madame Gorski, phrase finale de Baby Doll : "ça a toujours été ton histoire".
Baby vient remplacer Sweet Pea dans le spectacle de danse, elle devient le centre d'attention, reléguant Sweet Pea au second rang. Sweet Pea vient remplacer Baby dans la résolution de la narration simulacre du bordel. Baby en devient une figure intermédiaire, une figure du passeur qui vient prendre le relais de Sweet Pea pour la conduire jusqu'à une finalité, celle de l'évasion ; double évasion : évasion du monde du bordel donc du monde du simulacre (retour au monde de l'asile).
L'évasion est même triple : évasion du monde de l'hôpital avec l'encagement final dans un monde fantasmatique par la lobotomie (voir la partie 1 sur Sucker Punch et l'hypothèse de la dernière scène comme un ultime fantasme). Et en même temps, l'évasion est nulle, puisque tous les mondes montrés sont des simulacres. On s'échappe d'un rêve pour en rejoindre un autre. L'évasion est à la fois multiple et impossible. Mais s'évader, c'est fuir. Que fuit-on dans Sucker Punch ? Peut-être la culpabilité de la mort de la sœur.
Pour apporter un contrepoint à cette interprétation de la culpabilité impossible à fuir (elle pointe son nez dans tous les mondes simulacres : mort de Rocket dans le train futuriste et dans la cuisine, mort de la sœur dans la scène du début), repensons à la scène finale, l'évasion de Sweet Pea. Sa trajectoire semble porteuse d'espoir. Sa robe blanche immaculée, le coucher de soleil, la figure bienveillante du vieillard ange gardien, figure du passeur (rappelons que nous en sommes à considérer que Baby et le vieillard sont des figures équivalentes) qui conduit Sweet Pea vers un ailleurs paradisiaque ; tous ces éléments permettent de croire que la culpabilité a été endiguée, qu'il y a eu acceptation, délivrance. Le médecin le dit à la psychiatre après avoir lobotomisé la jeune fille : "on aurait dit qu'elle le désirait". Et le mot "paradise" revient à plusieurs reprises, en référence à la lobotomie, dans la bouche de l'infirmier corrompu ("in five days she'll be in paradise", "you're in paradise now ?"), et lorsque Sweet Pea répond ironiquement à Baby, à propos de sa tentative d'évasion, "send me a postcard from heaven".
Le film tout entier est donc le théâtre où se rejouent les tragédies d'une histoire originelle que nous n'avons jamais vue. Lorsque Baby arrive dans le "Theater" de l'asile (je me répète, mais je rappelle que l'infirmier corrompu qui devient le personnage Blue dans le monde du bordel dit textuellement que c'est le lieu où sont rejouées les évènements traumatisants qui ont conduit les filles dans cet asile) Sweet Pea est sur la scène, et Gorsky la psychiatre lui dit : "c'est ton monde, c'est toi qui le contrôle".
Dans le monde du bordel, les filles discutent de l'évasion, dans le dortoir, et il est dit que trois filles ont déjà tenté de s'évader, et qu'elles sont mortes. Si l'on fait attention, le tableau sur lequel est écrit le nom des danseuses comporte des dessins d'aiguilles de lobotomie à côté des noms de Sweet Pea, Blondie et Amber, mais pas de Rocket. C'est qu'elles ont été lobotomisées dans l'histoire originelle qui n'a pas été montrée, et Blondie et Amber meurent dans le récit simulacre du monde du bordel.
Cette discussion sur ces trois filles décédées qui correspondent aux trois personnages cités est à la fois prémonitoire et son contraire, elle renvoie à ce qui s'est déjà passé et en même temps condamne les trois filles sur ce qu'il va se passer. Tout le film serait alors la fantaisie d'après-lobotomisation de Sweet Pea (lobotomie qui se produit donc avant que le film ne commence). Et Rocket, la soeur, n'a pas été lobotomisée, elle est morte en-dehors de l'asile (mort qui a conduit à l'internement de Sweet Pea), il est donc logique qu'aucune aiguille ne soit dessinée à côté de son nom. Mais qui a dit que le film de Snyder était simpliste ?
4. La projection du double, le corps schizophrénique
Repartons donc de zéro.
Tout se joue dans le regard que Baby porte à Sweet Pea lorsque cette dernière se trouve sur la scène du Theater de l'asile, au début du film. Le gros plan sur le visage de Baby traduit une focalisation, quelque chose de l'ordre de la sidération, qui paralyse et isole la jeune fille du reste des protagonistes. Une sidération en somme similaire à celle que produit Baby lorsqu'elle danse dans le monde du bordel. Cette sidération origine de Baby pour Sweet Pea est redistribuée et rejouée dans le monde du bordel pour devenir la danse ; on est dans une fascination du corps.
C'est dans cette scène que se mettrait donc en place le mécanisme de projection du double. Par la puissance du regard induite par le gros plan focalisateur, Baby projette sa propre histoire sur le corps de Sweet Pea. Devenant une sorte de Pygmalion, Baby greffe sur Sweet Pea ses propres tourments et reconfigure l'identité de la jeune fille pour qu'elle devienne un corps similaire au sien (c'est le passage au monde du bordel avec la perruque de Sweet Pea), avec une histoire similaire à la sienne (la perte de la sœur). C'est donc moins Baby que Sweet Pea qui voit son identité être recréée par le passage au rêve.
Par une pure opération de l'esprit, créée par le regard, Baby fait de Sweet Pea son double. Elle transforme ce corps sidérant en corps-similaire. La représentation de Baby à l'intérieur du rêve est Sweet Pea. Baby fantasme le corps de Sweet Pea en greffant sur elle sa propre identité, via le média du rêve. Le double est arbitraire, il est le produit d'une identification.
J'écrivais dans ma première critique sur Sucker Punch que l'important n'était pas de se sauver soi-même mais de sauver l'autre. J'ajouterai maintenant que l'important est de sauver le double, l'autre soi, afin de créer une subsistance d'existence à travers une vie par procuration ("tu dois vivre pour nous toutes"). Si Baby transforme le corps de Sweet Pea en son double, c'est pour échapper à la mort : elle ne meurt pas complètement, son double vit pour elle.
Sucker punch est un film sur la perte : perte originelle de la sœur, perte des repères, perte de l'innocence . La redistribution de la lobotomie dans le monde du bordel correspond à la perte de la virginité de Baby avec le ''Higher Roller'', et il est facile de voir dans l'aiguille de lobotomie un symbole phallique et une métaphore de la pénétration lors de l'acte de lobotomisation. Mais peut-être que la perte principale est celle de l'intégrité du corps.
Un découpage vient appuyer cette idée, toujours dans cette scène décisive de l'arrivée au Theater de l'asile. La discussion entre le beau-père et l'infirmier corrompu sur la lobotomie et l'argent que le beau-père doit déverser se passe en arrière-plan, alors que Baby est en gros plan à l'avant-plan. Baby est coupée exactement au niveau de la moitié de son visage ; la partie droite de son visage laisse découvrir l'infirmier et la partie gauche le beau-père. Le visage de Baby est ainsi scindé en deux ; on a un montage qui vient remettre en cause l'intégrité de l'unité du corps, un montage schizophrénique.
A partir de cette division originelle on peut supposer que l'éclatement du corps se caractérise par la démultiplication schizophrénique des figures de la personnalité ; ou comment Amber, Blondie, Rocket et Sweet Pea ne sont que les incarnations de diverses facettes de l'identité de Baby. Encore une fois cette redistribution des figures naît de la focalisation par le regard lors de la scène au Theater : les seules visages de filles internées que l'on parvient vraiment à distinguer sont ceux des protagonistes du monde du bordel.
Pour appuyer cette idée de cinq corps qui n'en font qu'un, le film joue sur la chorégraphie des scènes d'action, avec des mouvements symétriques, relayés, coordonnés, à l'image de l'atterrissage dans la cour du donjon, lorsque Baby, Rocket et Sweet Pea parviennent au sol dans la même position, et qu'elles relèvent la tête en même temps, dans un mouvement qui paraît unique. Mais cette idée parcourt bien sûr toutes les scènes d'action (exceptée la première où Baby est seule) : coordination dans la scène de guerre, relais des corps dans celle du train...on pense à des films comme The Mission de Johnnie To, où les corps sont régis par un mécanisme du mouvement à l'unisson, et aussi à la série Charly et ses drôles de dames, où les trois filles forme une équipe qui s'apparente à une seule entité (le vieux Sage est alors évidemment la figure de Charly, l'homme mystérieux qui distribue les missions et les conseilles). La schizophrénie patente au film se retranscrit donc par la symbiose des corps.
5. Ouverture : un Rêve partagé ?
Au-delà de tout concept de schizophrénie, il y a la possibilité d'une inter-identification de Sweet Pea et Baby. Les deux jeunes filles partagent la même tragédie : la perte de la sœur. La similitude de leur culpabilité serait à l'origine de la création d'un rêve partagé, induit dans l'image par l'affiche dans la loge des danseuses du bordel sur laquelle est écrit : "My dream is yours", mon rêve est le tien, mon rêve est à toi. Le concept du rêve partagé traduit la création d'un espace de libération des pulsions, une sorte de purgatoire où se rejoignent les esprits torturés par des tourments analogues. Sweet Pea et Baby deviennent les deux facettes d'une même tristesse, d'un même sentiment de culpabilité. Le rêve partagé recréé le lien de sororité qu'elles ont perdu.
A la fin du film, la psychiatre Gorski énumère ce que la jeune fille qui vient d'être lobotomisée a accompli en une semaine. Mais Baby est censée être là depuis seulement cinq jours. La jeune fille présente depuis une semaine serait alors sûrement Sweet Pea, et on constate une interchangeabilité de son corps et de celui de Baby. Elle partage le même rêve, elle finisse par partager le même corps. Les tourments analogues créent des esprits analogues (analogie dans le rêve), et finalement des corps analogues. Cette exubérance identificatoire parachève la morale du film : sauver son propre corps revient à sauver celui de l'autre. Les figures de Sweet Pea et Baby sont confondues, complémentaires. Ce n'est plus de la schizophrénie, mais un lien d'émotion, un lien tissé dans la douleur de la perte, dans toutes les pertes qui fondent le film.
6. Final : l'hypothèse du frère
On pourrait voir dans la scène finale l'histoire source, les images origines qui manquent (merci à Mister Q. de m'avoir soufflé cette hypothèse). La fin serait en fait chronologiquement le début du film. Tout est alors à remanier : le rêve serait celui de Sweet Pea dans le bus, les protagonistes féminins deviendraient la démultiplication des facettes de sa personnalité à elle (et pas celle de Baby comme il était proposé plus haut), et le vieux conducteur qui l'a aidée devient ce Sage qui les guide lors des missions.
Mais quelle place alors pour ce gamin auquel Sweet Pea jette un regard en coin intriguant dans les tranchées de la scène de guerre, et qui revient dans la scène finale du bus, ce gamin que les filles viennent sauver avant qu'il ne meure au combat dans les tranchées, et qui accompagne Sweet Pea dans son échappée finale ? Ne serait-il pas le frère, redistribué dans les rêves par la figure de la sœur, ce frère disparu qu'on vient arracher à la mort dans la scène de guerre, comme une réparation par le rêve ? Si la fin est bien l'acceptation de Sweet Pea de la perte, on est dans un endroit de passage, et le bus devient la barque de Charon qui emmène les morts sur l'autre rive. Libérée de sa culpabilité, elle peut enfin monter dans cette barque avec son frère, et le rejoindre de l'autre côté....du miroir.
Woua, et ben elle était pas facile cette critique ! Sérieux, chapeau bas à ceux qui auront eu le respectable courage et l'infini gentillesse de la lire de bout en bout. Il pourrait sembler à certains que cet article s'amuse à décrire des choses compliquées où il n'y a pas lieu d'être, mais je pense que le film de Snyder nous invite à arpenter cette route vertigineuse, creusant un chemin de traverse sinueux dans les méandres de délires psycho-métaphysiques (rien que ça), à travers les images explosives qu'il nous donne à voir. Merci à tous.
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Thomas K.
Merci pour cette critique/dé-construction du film de ZS, quand je pense que 90% des "critiques" sont passé à côté du vrais sens du film.
RépondreSupprimerMerci à vous cher Anonyme de l'avoir lue ! Effectivement les critiques, dans leur empressement à diaboliser ce qui peut sortir de leurs sentiers battus générationnels, sont certainement passées à côté de bien des choses.
RépondreSupprimerQu'on n'accroche pas à l'univers de Snyder est une chose, et c'est tout à fait concevable, mais de là à revendiquer une opinion subjective de la sorte comme vérité péremptoire aux airs de science infuse sur le Cinéma en est une autre.
Qu'on aime ou pas, tant qu'on parle de cinéma, et qu'on en parle à peu près correctement, il n'y a pas de problèmes ; mais dans le cas du film de Snyder on se demande à quel moment les critiques parlent vraiment de Cinéma, tant le prisme d'opiniâtreté à travers lequel elles semblent avoir vu le film paraît opaque.
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Magnifiquement dit cher Thomas K! La médiocrité de jugement et d'analyse est effrayante et laisse songeur chez certains oseudo "spécialistes". Peut être comprendront ils ont jour que leurs petit avis subjectifs nous intéressent autant que le prochain Michael Bay (remarque même Transformers 15 m'intéresserait plus). Faisons passer les films avant nous même par pitié!
RépondreSupprimerps:: analyse pertinente et vraiment très bien construite au fait! (c'était mon petit lancé de fleurs pour répondre au tien).
Bien joué Thomas. Pas facile d'accoucher de ce beau bébé ! J'ai l'impression de revivre notre conversation de l'autre fois, mais en beaucoup plus construit !
RépondreSupprimermagnifique embrasement littéraire , les mots claqent , circulent , vivent, et nous entrainent dans une valse à 3 temps , un tango débordant qui donne l'envie de se précipiter dans une salle de cinéma vivre intenssément la découverte de ce film !
RépondreSupprimerbon vent à ce talent d'écrivain et de critique thomas K , votre plume est passion alliée à de l'humour dans un écrin d'intelligence !
signé : ARMOR DE BRIOCHINE
Je viens de lire tous vos articles sur Sucker Punch ... Vraiment passionnant ! Et positivement impressionnant ! Je suis globalement plutôt en accord sur votre analyse de la personnalité créatrice de Zack Snyder.Hormis que je ne le vois pas comme quelqu'un de pessimiste, plus, à l'image de beaucoup d'entre nous - la génération 70-80 - , comme quelqu'un qui donne une réalité au rêve ... au point parfois où le rêve est bien mieux que le vrai. Passons la démonstration.Pour votre analyse pertinente des personnages, idées et interprétations du film, je constate souvent qu'on est parti des mêmes données - indices et clins d'oeil - pour aboutir à une théorie à moitié identique, à moitié différente ... Votre théorie a cependant le mérite de ne pas passer certains éléments sous silence prudent ... J'ai moi aussi du mal à admettre que la réalité des vingt première sminutes est la réalité du film ... et l'idée que le film ne montre jamais la réalité me séduit de plus en plus, même si mon analyse n'a peut-être pas vraiment eu le courage d'aller jusque là ... Je la changerais peut-être cela dit.Une question : est-ce que pour vous le monde onirique du bordel et ceux des "jeux vidéos" sont imaginées par l'héroine (BD ou SP qu'importe) au moment de sa lobotomie, ou en parallèle des événements qu'elle vit ces cinq derniers jours ?
RépondreSupprimervivement le blue ray, ses 18 minute supplémentaires et le commentaire de Snyder !!
Mon analyse pour info : http://itikar.over-blog.com/article-interpetation-de-sucker-punch-de-zack-snyder-71525905.html