vendredi 20 mai 2011

La conquête


Dominique de Villepin : "Maintenant qu'il est élu, il va nous faire une France à sa taille."

Attendu par la droite comme un brûlot anti-Sarkozy et par la gauche comme un traquenard risquant de renforcer le capital sympathie de notre mal aimé président, La conquête est d'abord un film, et un film délicieux. Sous la houlette de Xavier Durringer et Patrick Rotman, notre monde politique devient une tragi-comédie à la narration fluide et efficace, porté par des acteurs d'une précision mimétique frôlant parfois l'hallucination visuelle.

En cela il est donc le film que l'on pouvait espérer en ce sens qu'il tire tout les avantages de cette étrange proximité des évènements sans pour autant se reposer uniquement dessus. Le parcours héroïque de notre du chef d'État se regarde à tout les niveaux : médiatique, politique, mais par dessus tout intime, offrant ainsi aux spectateurs la chance de regarder enfin par le trou de la serrure.

C'est alors, comme souvent au cinéma, l'humain qui jaillit à notre figure. L'humain transcende l'image, l'image lissée du Sarko-média, et nous laisse alors avec un personnage à notre hauteur bien sûr, mais surtout sans idées, sans convictions autres que le désir de graver son nom dans les manuels d'histoire par tout les moyens.

Sarkozy, littéralement habité par Podalydès dont la rondeur des traits atténue fortement l'attitude fourbe et arrogante de ce dernier, nous rappelle alors le George Bush du W. d'Oliver Stone. Car nous sommes ici en présence d'un personnage qui n'a pas sa place dans ce milieu qu'il croit être le sien. Ou plutôt devrait on dire, Sarkozy aurait pu être n'importe qui, n'importe ou ailleurs : Chef d'entreprise, Footballeur ou même Rock-star, peut importe tant que l'on peut mettre des coups, rêver de manipulation, d'élimination et surtout d'ascension, comme le montre le superbe plan de fin du film, plus pertinent et sombre que l'affiche officielle.

Le plaisir jouissif que l'on éprouve alors à la vue du film est inquiétante car il semble dire que l'homme politique en général, si il est incapable de s'effacer derrière les idées pour mieux les porter, est avant tout un incroyable personnage de fiction, un superbe acteur. Bien sûr le film se réclame de la fiction, mais la précision de Rotman dans les retranscription des dires de nos représentants ne laisse que peu de place à l'imagination. Si au fond, les politiciens sont comme nous, alors La conquête ne triche pas tellement.

Dans tout les cas, fort est de constater que l'on s'amuse dans les hautes sphères de l'État, on joue ni plus ni moins. On parle en Punch-line, on se ment dans les yeux tout en se vouvoyant et ce, pour notre plus grand plaisir. Mention spéciale à Bernard Le coq qui est tout simplement Chirac. L'ancien président de la république risque d'avoir froid dans le dos. C'est en partie pour cela que le film s'éloigne à chaque seconde de la caricature. La reconstitution des lieux et des scènes que l'on a pu voir à la télévision est telle qu'on ne peut pas parler de pastiche. Le tour de force du film repose sûrement sur cette exigence de la ressemblance.

La conquête apporte donc une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est que la France vient enfin de produire une vrai comédie, rythmée et aiguisée, tout ce que Bienvenue chez le Chtis n'étaient pas en somme ! La mauvaise c'est le constat net et sans bavure que la politique n'a pu d'autre idées que celle de vouloir devenir fiction, et Sarkozy, plus que n'importe quel autre homme politique aujourd'hui, en est l'incarnation.

1 commentaire:

  1. Superbe, j'aime beaucoup ta critique, plus pertinente que toutes celles que j'ai pu lire, je ne sais pas si j'irai voir le film, j'ai pris pour habitude de zapper chaque intervention de notre chef de l'état à la télévision, irai-je me l'imposer à quelques euros au cinéma ? Pas si sur. Plus radin ,plus malin.

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