lundi 28 mars 2011

The Adjustment Bureau

David Norris: All I have are the choices I make, and I choose her, come what may.

Imaginez votre vie comme une trajectoire. Imaginez la comme une simple ligne géométrique bleue, verte ou rouge, peu importe. Cette ligne se promène au sein d'un schéma quadrillé, le tout formant un plan incompréhensible : Le plan. A présent, imaginez que des hommes en costumes, discrets et méticuleux, aient pour mission de ne pas faire dévier cette ligne, afin qu'elle atteigne précisément le but fixé par le grand patron, et cela même si l'amour de notre vie doit passer à la trappe. Vous vous sentez un peu piégé non ?

C'est à peu de choses près ce que vous vivrez si vous vous joignez à Matt Damon pour cette agréable mélo-d'anticipation adapté d'une nouvelle du plan grand paranoïaque du XXème siècle, Philip K. Dick. Le pitch peut sonner comme un énième thriller urbain informe dans lequel évoluerai une figure type d'anti-héro mal dans sa peau, et pourtant vous seriez assez loin du rendu final de l'Agence, dont le titre anglais The Adjustment Bureau est bien moins impersonnel mais trop long à écrire.

Si Matt Damon sortait grandit du mitigé Au délà de Eastwood grâce à une remarquable prestation tout en nuance, il se retrouve ici propulsé dans un film au rythme radicalement opposé. L'agence est un film qui virevolte et sautille en assumant sa légèreté. Car c'est l'amour qui guide ici chaque pas du héros dans un labyrinthe urbain aussi quadrillé que les univers de Nolan.
Et quel amour ! On le voit grandir sous nos yeux, évident dès les premières secondes, les premiers mots. Un amour plausible, mêlant drôlerie et poésie tout en nous épargnant les phrases toutes faites qui jonchent les fictions aujourd'hui, pour laisser les acteurs créer enfin, le précieux magnétisme.
Et puis il faut dire que le film n'a pas trop le temps non plus. David est vite pris au piège de l'agence, et sa rencontre avec Elise va tout changer en traçant une trajectoire inattendu sur le plan.

En utilisant la ville de New York comme un labyrinthe multidimensionnel, David ouvre une porte au coin de la rue et se retrouve au milieu d'un stade de football, ou bien même, en haut de la statue de la liberté. La réussite du film tient dans une simple mais efficace gestion du rythme et de la durée de chaque séquence. Les informations arrivent avec une telle précision que l'on peut aisément parler de parfait calibrage. Le mérite du réalisateur tient dans une idée toute simple mais finalement assez ambitieuse et plutôt rare aujourd'hui : nous faire oublier la part de mystère qui plane autour de cette étrange agence toute puissante et manipulatrice pour se focaliser sur le destin d'un couple que tout sépare.

Miser sur la première idée serait revenu à nous servir un scénario à tiroir dont le dénouement n'aurait encore une fois pas été la hauteur de nos attentes.
L'agence en elle même est donc dépeinte de manière caustique, entre symbolisme et caricature. Une allégorie de ce qu'il vous plaira, Dieu ou grand architecte, mis en scène à la manière des films conspirationnistes des années 1970 (costumes et feutres sur la tête).

George Nolfi fait entièrement confiance à un Matt Damon encore une fois étonnant, livrant une de ces interprétations dont il a le secret. Si Christian Bale peut se vanter d'interprétations spectaculaires (American Psycho 2000, The machinist 2004, , Fighter 2011), Matt Damon, lui, possède le talent de jouer sans jouer, atteignant alors une justesse désarmante. A ses côtés, Emily Blunt complète un duo d'acteurs qui fusionnent dès les premières scènse et nous libèrent enfin des prototypes hollywoodiens, son accent british et sa mine espiègle n'y sont pas pour rien. Un beau cocktail de talent pour une romance que l'on a envie de porter jusqu'au bout.

Pour son premier film, Nolfi s'en sort donc avec les honneurs. Son filme vole, léger comme un plume, avec un sens de l'économie bienvenue et un instinct certain pour créer des images poétiques inattendues, à l'image de ses portes magiques s'ouvrant vers d'autre mondes. Mettre en scène, c'est parfois savoir distiller habillement son énergie avant l'accélération final. Si le réalisateur ne transcende pas son sujet, il se montre capable de le montrer sous un beau jour. L'étrange bonne humeur qui traverse le métrage alors nous étonne, au regard d'un sujet à priori étouffant.

Avec The Adjustment Bureau, nous sommes en présence d'un étrange film hybride, possédant en substance tout les archétypes du film d'action mais préférant se mêler au mélodrame pour accoucher d'un thriller romantique qui fait la part belle aux acteurs, sans surplus ni fausse note, et dont découle une morale, certes évidente, mais bien amené par la belle rhétorique du film.





2 commentaires:

  1. pierre Andrieux28 mars 2011 à 19:11

    Totalement d'accord avec toi!
    Un film vraiment étonnant par cette hybridation (très réussi tu l'as dit) entre comédie romantique et thriller qui m'a vraiment enjouée. Matt Damon s'impose vraiment comme L'acteur de ce début de siècle, et d'ailleurs on perçoit dans la mise en scène et le rythme des superbes séquences de poursuite la filiation avec la Jason Bourne Trilogy (le réalisateur Georges Nolfi est un des scénaristes de l'impressionnant The Bourne Ultimatum et franchement je sais pas ce que tu en penses mais ça se sent dans L'Agence.). Pour un premier passage derrière la caméra y'a pas grand chose à redire, juste à savourer...

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  2. Oui j'ai vu cela en faisant des recherches sur Imdb, et c'est vrai que ça se sent ! D’ailleurs, Damon m’impressionne de film en film !

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