mercredi 29 décembre 2010

Nowhere Boy : rock'n coeur, coeur'n roll


Publié par Thomas K.

He's a real nowhere man
Sitting in his nowhere land
Making all his nowhere plans for nobody
Nowhere man, chanson des beatles.

De la jeunesse de John Lennon aurait pu naître un film truculent, une pop-fiction kaléidoscopique à 100 à l'heure, une histoire palpitante avec un personnage déluré et délirant.

Mais Sam Taylor-Wood, photographe-plasticienne et vidéaste, en fait une incursion intimiste dans une histoire de famille remplie de non-dits. Le biopic en devient la contemplation d'une jeunesse volée, envolée, et la tentative désespérée d'être un môme juste encore un peu.

John, en pleine adolescence vit chez sa tante stricte et sèche comme une brindille sous le soleil brûlant de l'été aride, Mimi. Ce gamin nonchalant, paumé, en manque d'affection, découvre que sa mère, Julia vit tout près de chez sa tante. Retrouvailles. L'histoire de John est celle d'un déchirement entre deux figures de la mère, complètement opposées ; Julia est délurée, rock'n roll, bourrée de gestes et de paroles tendres, mais superficiels, lorsque chaque rarissime preuve d'amour de Mimi est un ilôt d'amour dans un océan d'austérité, mais un îlot sincère.

Et John ne sait plus. Qui aimer, qui être, où aller. Alors il copie le King, il copie Buddy Holly, et il monte un groupe. On assiste à la rencontre avec le tout jeune MacCartney, et puis aussi Harrison. On sourit face aux bêtises de lycéens, à l'éternel côté provocateur de John. A son renvoi du lycée, et sa conviction que sa place est ailleurs. Le film est assez lent par rapport à ce qu'on aurait pu imaginer, une espèce de routine s'installe entre les petits concerts un peu minables du groupe, les visites à la mère, les scènes de tension avec la tante. La caméra n'est pas l'oeil de la passion du mythe mais plutôt celui de la volonté de rendre compte d'une histoire essentiellement humaine qui pourrait être celle de n'importe qui. L'histoire n'est jamais présentée comme exceptionnelle.

Un film sur les relations humaines, donc, saisies dans toute leur complexité. On sent la volonté tragique de John d'être reconnu aux yeux de sa mère, on sent sa jalousie, sa rivalité avec un MacCartney trop doué, trop jeune, trop raisonnable, trop calme ; il contraste avec l'agitation perpétuelle de Lennon, toujours en mouvement, toujours bringueballé de-ci et de-là. On sent l'impossibilité pour Mimi d'exprimer un amour maternel qui est pourtant présent. Rien d'exceptionnelle, rien de gigantesque, juste une tranche de vie. Même si c'est celle de John Lennon. Et franchement, c'est touchant. Pas besoin d'être fan de l'idole Lennon pour apprécier le film. Avoir un coeur ça devrait suffire.

Et puis, faut aller voir ce film, sérieux, rien que pour la façon dont Taylo-Wood filme le corps de Aaron Johnson, l'interprète de Lennon. Elle le filme avec beaucoup d'affection, avec un vrai travail plastique, et un des vrais attraits du film reste de voir Johnny Boy se trimballer avec ses grosses lunettes carrées, son manteau d'hiver et sa guitare sur le dos. C'est un corps morphosable, un corps qui se cherche, qui s'apprend, et qui se contemple, avec émotion et puis nostalgie aussi.

Nowhere Boy, le garçon de nulle part. Le film reste un mélodrame, et son personnage principal est un loser, une petite frappe ratée jetée en pâture au monde compliqué des adultes et de leurs choix, leurs émotions, incompréhensibles et impénétrables pour un adolescent immature. Lennon s'accroche à travers sa mère à une jeunesse qu'il n'a jamais eu et qui s'est déjà envolée. C'est un film sur la fin de l'enfance. Sur la solitude, aussi. Lennon ne créé pas seulement un groupe de musique, il créé une famille. MacCartney devient un frère, et donc un rival.
La fin montre comment Lennon en arrive à se prendre en main seul. Comme un grand. Un abscès a été percé. Trois petits moments qui ont fait palpiter mon petit coeur :

- La scène où la "petite-amie" (disons qu'elle l'est de façon sporadique) et une amie à elle rencontre Lennon dans la rue. Son amie lui dit "laisse tomber, c'est qu'un loser", et elles partent, le laissant seul à son désespoir.

- La scène magistral au cimetière avec MacCartney. Lennon le frappe, puis le prend dans ses bras. Cette scène est lourde de tout ce qui s'est passé et tout ce qui se passera entre les deux frères. Le filmage fait peser sur eux une tension émotionnelle, mélancolique, qui laisse difficilement indifférent.

- La dernière scène avec Mimi. Quelque chose passe vraiment entre les acteurs.

Alors oui, le film a un côté pleurnichard. Oui, c'est pas la grande aventure palpitante de ce coquin de Lennon. Mais le parti-pris de Taylor-Wood est osé et très réussi, le film ne frappe pas là où on l'attend, et c'est tant mieux, parce quand les acteurs se donnent comme ça, et que la réalisation, sobre mais efficace, capture une véritable tension émotionnelle de la sorte, ben je vois pas pourquoi on se priverait, hein. Alors, foncez, foncez, qu'attendez-vous ! Un peu de larmes, un peu de rires, beaucoup de rock'n roll, secouez bien, et vous aurez un film très bien léché.

++

Thomas k.

2 commentaires:

  1. Fan des Beatles, mais ne connaissant pas l'histoire des membres du groupe avant le groupe, j'étais très curieux de découvrir ce film, et déçu de le voir sortir sur aussi peu de copies (en tous cas sur paris).
    Je m'y suis donc pressé, dès sa première semaine. Et j'ai été... surpris. Pour résumer ce que j'ai ressenti, j'ai eu l'impression de voir un bon film, beau et très agréable à regarder (un peu dans la veine de "An Education" de Lone Scherfig, film anglais sorti en février et se déroulant à la même époque) ; mais par contre, je n'arrivais pas à relier le personnage principal à John Lennon. J'ai vu se dérouler les aventures au début des 60's d'un jeune anglais de Liverpool qui s'appelait John, certes. Mais je n'ai vraiment pas eu l'impression de voir l'histoire du fondateur du plus grand groupe pop/rock de tous les temps (polémique power !).
    Ca reste néanmoins un film à voir.

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  2. C'est tout à fait vrai, je comprends parfaitement ce ressenti. C'est je trouve que le film frappe là où on ne l'attend pas. Là où se trouve une certaine intelligence de mise en scène.

    ++

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