jeudi 28 avril 2011

Thor

"Thor: Your ancestors called it magic ...but you call it science. I come from a land where they are one and the same. "

A dire vrai, et aussi surprenant que cela puisse paraître, personne ne semblait attendre Thor avec enthousiasme. Fait assez paradoxal pour deux raisons : D'abord parce que c'est un film de super-héros Marvel donc un blockbuster de grand spectacle, ensuite parce qu'il est réalisé par Kenneth Branagh, cinéaste et acteur britannique de renom, connu et reconnu pour son amour de la forme Shakespearienne dont il est l'un des derniers représentants affirmé.

Or, comme je l'ai dit, l'heure était plutôt à l'inquiétude. Peut être parce pour une fois, la bande annonce se faisait plutôt discrète et se gardait bien de dévoiler les meilleurs séquences du film dans un déluge d'images, peut être aussi que l'on doutait des capacités du cinéaste à tenir le cahier des charges d'un film d'action à gros budget.

Et bien balayons ces rumeurs de suite, le choix de Branagh est plus que judicieux et permet à Thor de s'afficher comme un blockbuster de qualité, habité par une sincérité et un véritable intérêt pour les personnages qui sont ici mis en avant, parfois au dépend de l'action pure.

Disons le, Thor est un retour à style de divertissement plus classique, ou la forme se fait discrète et sert le propos du film sans trop s'imposer. On reconnaît là la préférence de Branagh, forcément intéressé par la dimension divine et mythique de ce super-héro qui n'en est pas un.

Imaginer que notre planète se partage l'univers avec d'autres mondes, puissants et nobles. Imaginez le royaume d'Asgaard, sorte d'Olympe où règne le grand roi Odin. Imaginez le puissant Thor, fils arrogant et irrespectueux du grand roi, désireux de combattre les géants de glace malgré la trêve, banni d'Asgaard et condamné à errer sur Terre, sans pouvoirs. Thor est le récit de ce héros avec un grand H, tout droit échappé des légendes nordiques dont s'inspirait Tolkien pour créer sa terre du milieu. Ici pas de double identité, ni de trouble identité. Thor est un guerrier puissant et chevaleresque, mais qui va devoir apprendre l'humilité et la sagesse pour devenir un roi à la hauteur de son royaume. C'est sur terre, le monde des frêles humains, que cette initiation se fera, et grâce à Jane, physicienne talentueuse et prête à croire à l'impossible.

Le film est à rajouter sur la maintenant très longue liste des univers dialectiques, pour autant il ne devient pas schizophrène et parvient à équilibrer habilement la narration entre les divers mondes. Le premier quart d'heure est à l'image de ce que cherche Branagh, planter ses décors, dessiner ses personnages tout en divertissant, bref l'art et la manière de conter une histoire. La forme est épique, ample, parfaitement en adéquation avec son héros.

On baigne donc pleinement dans la magie, la métaphysique et le mythe avant l'arrivée sur Terre et la rencontre avec Jane et le monde profane, celui qui justement ne croit plus et cherche la vérité dans la science. Thor sera donc le héros capable de réconcilier les hommes avec la croyance, prouvant par là que science et magie ne sont qu'une seule et même idée. Le film affiche une volonté de creuser habilement son message de fond et cite même Arthur. C. Clarke (écrivain de 2001, l'Odyssée de l'espace), relevant ainsi nettement la côte du film de grand spectacle.

On aime alors la dextérité des scénaristes et de Branagh qui détournent les structures manichéismes du genre et nous poussent à nous poser cette question ? Qui est le méchant dans Thor ? Difficile à dire. Le film aime certes jouer sur la dualité : Celle de deux frères. Mais seulement en apparence car il nous avons en fait affaire à trois mondes et trois peuples : la Terre, Asgaard et le royaume des glaces. Les figures du mal sont floues et se déplacent, les personnages ne sont pas forcément bélliqueux et se battent surtout contre leurs propres faiblesses. Avec Thor, on parle plus de jalousie et de désir de reconnaissance que de haine.

C'est dans cette optique que Branagh est à l'aise. Ses personnages sages et nobles, dont le comportement rationnel et le sens du discours tranche avec celui des humains plus vulgaire, sont rendus immediatement attachants. L'attitude est shakespearienne, osons le dire, et le cinéaste respecte d'ailleurs le crédo du dramaturge qui se plaisait a mélanger comédie et tragédie dans une même pièce. L'équilibre entre les deux modes et ici parfait et permet au film d'aborder un ton sérieux tout en s'autorisant à rire des facéties d'un héros plongé, telle une figure anachronique, dans le monde des hommes. Hemsworth campe un Thor puissant mais jamais grossier. Taillé dans la roche, l'acteur arbore une musculature massive mais conserve un visage enfantin, illuminé par un regard scintillant. Grâce à Nathalie Portman, on oublie le rôle de faire valoir féminin pour un personnage véritablement complémentaire et qui risque de prendre de l'importance par la suite. Portman est de toute façon toujours impeccable et apporte, elle aussi, son soupçon d'élégance.

C'est alors peut être dans les séquences d'actions que Thor est moins surprenant et risque peut être d'en décevoir quelques uns. A la fois courtes et relativement espacées dans le film, elles sont cependant filmées avec un respect certains des données spatiales et sont souvent abreuvées de plans larges bienvenus. Branagh sait que l'exercice n'est pas son point fort et opte pour une mise en scène picturale, dessine des cadres stables et équilibrés, de beaux tableaux dont la réussite est renforcée par le travail de direction artistique qui frôle selon moi habilement le kitch, sans jamais tomber dedans. Le travelling avant dévoilant le royaume d'Asgaard, véritable débauche baroque, défie la gravité et reste selon moi le plus beau plan du film.

Thor évite la standardisation et se différencie de la donne du moment en laissant souvent de côté le cahier des charges formaté du divertissement de grand spectacle. Les deux heures passent vite, l'univers enchanteur réhabilite comme il se doit le mythe et le sacrée. En cela, Thor vient s'opposer farouchement à Iron Man et leur rencontre dans la ligue des Avengers risque d'être délicieuse !

Si on ne peut pas parler de claque ou de coup de cœur, on peut en revanche dire que Thor est un film solide et élégant, un divertissement à l'ancienne avec les moyens d'aujourd'hui. Il vient surtout lancé la première salve d'un assaut de super-héros qui s'approche à grand pas. Captain America, Green Lantern, X-men First Class, mais aussi the Amazing Spiderman débarquent prochainement. Aux commandes, Joe Johnson, Martin Cambell, Matthew Vaughn, Marc Webb. On demande à voir...


Quelques mots sur la 3D :

Le film est l'occasion d'aborder le sujet tant discuté de la 3D au cinéma. Le mot est sur toute les bouches et beaucoup se permettent d'en parler s'en vraiment connaître le sujet, que se soit en bien ou en mal, alors ma question est la suivante, comment jugé la 3D sur un film ? Question difficile mais néanmoins nécessaire pour en finir avec les avis divergents et le plus souvent subjectifs.

Je me propose donc de lancer quelques pistes, si d'autres ont des idées, qu'il n'hésite pas à m'en faire part. Voici donc quelques critères et notions qui vous aiderons peut être à y voir plus claire, avec ou sans lunette !

1 : La profondeur de champ. La stéréoscopie permet le plus souvent d'améliorer la profondeur de champs, c'est à dire de creuser l'image afin de donner l'illusion physique du relief. Mais la profondeur de champ doit être conditionnée, pensée et travaillée par la mise en scène du cinéaste afin de véritablement faire effet en 3D. Je dirais donc que la règle numéro un consiste à juger du travail de profondeur de champ et de sa régularité tout le long du film.

Pensez aussi que la stéréoscopie agit mieux quand elle est justifié par le propos du film. Un film travaillant la figure de l'immersion dans l'image comme Avatar ou Dragons avec leurs séquences de vols vertigineuses sont plus à même d'utiliser habilement la 3D que le choc des titans. Un film tourné en 3D à bien sûr de meilleurs chances de fonctionner car il permet au cinéaste de véritablement travaillé le procédé. Le système de conversion, décriée par Cameron, est bien plus une technique trouvé par les studios pour produire des films en 3D à moindre frais et ainsi surfer sur la vague d'Avatar. Seul Hell Raider, Sanctum et Tron legacy et bien sûr le film de Cameron ont été tourné en 3D. Les films d'animations eux sont conçus par ordinateur ont donc le plus souvent un beau rendu en 3D : Raiponce, Megamind, Dragons.

2 : Les effets d'attractions : Il s'agit des effets qui font sortir des éléments du cadre et le projetent sur le spectateur. Ils sont le plus souvent utilisés dans les films de séries B qui aiment joué sur un rapport distancié avec le spectateur. Si la profondeur de champs vous immerge dans le film, un effet de surgissement au contraire va vous en sortir tout en vous faisant réagir physiquement. Choc puis distanciation « Ouf, ce n'est que du cinéma ! » L'idée est de recréer le frisson de l'attraction de fête foraine. De tels effets peuvent être amusants à condition d'être utilisé avec parcimonie, car un trop plein de surgissement finit toujours par lasser le spectateur.

3 : Lisibilité de l'action : On voit très vite si un film est tourné en 3D quand on regarde ses séquences d'actions. La stéréoscopie est un processus technique qui nécessite une importante préparation des scènes (découpage, déplacement de la caméra). Si une séquence d'action est filmé avec un montage cut et peu d'effets de raccords pouvant améliorer la lisibilité des mouvements, alors la séquence sera brouillonne et fatiguera l'œil du spectateur. Avatar est le meilleur exemple du type de séquence d'action réalisable en 3D. Vitesse et rythme sont envisageable, mais pas sans une spatialisation active de l'action et une continuité des mouvements. Ce qui prouve encore une fois que la 3D n'est pas encore adéquate pour tout les sujets et toutes les formes.

4 : Enfin la dernière notion est un problème pour l'instant incorrigible du système, c'est bien la déformation de la luminosité causés par les verres des lunettes. ils assombrissent l'image de tout les films et accentue l'illisibilité si une scène se passe déjà dans un décors peu lumineux.

Si on tente de juger la 3D de Thor avec ces quelques données, on s'aperçoit très vite que le film est une conversion 3D et qu'il n'a pas su tout été pensé pour être diffusé comme tel. La profondeur de champs n'est que partiel et peu immersive, les effets d'attraction sont absents à part peut être quelques débris dans l'explosion de fin. La première scène d'action se situant dans le royaume des glaces et dégradé par le procédé qui peine à rendre l'image nette dans les séquences montées rapidement. Thor n'a donc pas une bonne 3D et peut largement se voir en projection numérique 2D où les couleurs gagneront surement en vivacité.


Clément Levassort.



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